Les dangers de l’aide militarisée en Afghanistan
En moyenne, toutes les demi-heures, une femme afghane meurt de complications liées à sa grossesse, une autre meurt de la tuberculose et quatorze enfants meurent, des décès qui pour la plupart auraient pu être évités. Huit ans après la chute des Talibans, les besoins humanitaires et de développement en Afghanistan sont toujours aussi criants.
Il ne fait aucun doute que les Afghans ont obtenu quelques améliorations, par exemple un accès plus large aux soins médicaux et à l’éducation. Mais alors que le déploiement d’un soldat américain en Afghanistan coûte environ 1 million de dollars par an, seulement 93 dollars d’aide au développement ont été versés en moyenne par an et par Afghan au cours des sept dernières années. Une trop grande partie de cette aide s’est orientée vers des « dépannages d’urgence » et des solutions provisoires, au lieu de se concentrer sur ce qui pourrait engendrer à long terme des résultats positifs et durables pour les Afghans.
Avec les pressions politiques pour « montrer des résultats » qui s’intensifient dans les pays qui déploient des troupes en Afghanistan, l’aide passe de plus en plus par des acteurs militaires afin de « gagner les coeurs et les esprits ». Mais on néglige dans le même temps les efforts nécessaires pour s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et reconstruire le chaos causé par trois décennies de conflit et de désordre. Les projets de développement mis en place grâce aux finances de l’armée ou via des structures à dominante militaire ont pour but d’obtenir des résultats rapides, mais sont souvent mal mis en oeuvre, inadéquats et sans une implication de la population locale suffisante pour pouvoir être viables à long terme. Peu de preuves attestent que cette approche renforce effectivement la stabilité. Paradoxalement, l’implication militaire dans des activités de développement met parfois davantage en danger des vies afghanes car ces projets sont très vite pris pour cibles par des groupes anti-gouvernementaux.
En tant que huit organisations non-gouvernementales, dont certaines travaillent en Afghanistan depuis 50 ans au service de plus de 5 millions d’Afghans à travers tout le pays, nous sommes extrêmement inquiètes des effets négatifs de cette stratégie d’aide de plus en plus militarisée. Alors que les dirigeants de 70 nations se rassemblent à Londres pour débattre du futur de l’Afghanistan, nous les exhortons à réévaluer l’approche actuelle de développement et de reconstruction.
Recommandations
- Apporter un soutien plus important aux programmes qui connaissent une certaine réussite tels que le BPHS, le NSP et les programmes d’éducation au niveau communautaire, et d’assurer que ces programmes restent indépendants du travail des PRT et ne reçoivent pas de financements militaires.
- Etablir et mettre en place un plan pour retirer progressivement l’aide en provenance des PRT ou toute autre forme d’aide militaire, permettant de ce fait aux institutions militaires de se concentrer sur la sécurité et sur la réforme du secteur de la sécurité. Dans le même temps, la capacité des organisations civiles nationales et internationales, ainsi que leur financement, devraient être augmentés.
- Les donateurs et les ONG internationales doivent faire davantage pour améliorer la capacité des organisations locales à concevoir et à mettre en oeuvre des projets de développement – et non fonctionner comme de simples partenaires techniques.
- S’assurer que l’aide est équitablement répartie à travers tout le pays au regard de critères de développement et de besoins humains, en accord avec les plans de développement nationaux.
- Améliorer les capacités, la réactivité et la transparence des gouvernements locaux. Les Afghans réclament ardemment un gouvernement capable de fournir des services de base et de garantir l’état de droit, et pourtant ces systèmes demeurent faibles et largement inefficaces.
- Soutenir une plus grande participation des Nations unies dans la distribution et la coordination de l’aide. Bien qu’il soit positif que les Nations unies continuent d’étendre leur présence de terrain et leur rôle de coordination, ceci devrait s’accompagner d’une augmentation des programmes menés par les agences des Nations unies et leurs partenaires, particulièrement dans les provinces et districts les plus pauvres et les moins dotés. Les Nations unies doivent aussi s’engager davantage dans la coordination des efforts d’aide et dans l’amélioration de leur efficacité, de leur responsabilité et de leur transparence.