Les géants de l’agroalimentaire doivent lutter contre les conflits fonciers qui se multiplient sous la pression croissante de la production sucrière

Publié: 2nd octobre 2013

Les grands noms du secteur agroalimentaire ne font pas suffisamment d’efforts pour mettre un frein aux accaparements de terres et aux conflits fonciers dans leurs chaînes d’approvisionnement, avertit Oxfam dans un nouveau rapport que l’organisation internationale publie aujourd’hui.

Intitulé « La fièvre du sucre », ce rapport met en lumière des exemples d’accaparements de terres et de conflits fonciers impliquant des fournisseurs de sucre pour les produits de Coca-Cola et de PepsiCo, ainsi que des conflits présumés au sein de la chaîne d’approvisionnement d’Associated British Foods.

Le commerce mondial du sucre est évalué à 47 milliards de dollars. L’an dernier, le monde a produit 176 millions de tonnes de sucre, dont plus de la moitié était destinée au secteur agroalimentaire. On prévoit que la production de sucre va augmenter de 25 % à l’horizon 2020.

Alors que notre appétit croissant pour le sucre inquiète la communauté médicale et que les mises en garde contre ses méfaits se multiplient, Oxfam attire l’attention sur un fait largement ignoré : le commerce du sucre contribue aussi à exacerber le problème des accaparements de terres et des conflits fonciers. Les cultures sucrières occupent déjà une superficie de 31 millions d’hectares (soit l’équivalent de l’Italie), principalement dans les pays en développement.

Le sucre et la terre

Les accaparements de terres sont de grandes transactions foncières opérées sans le consentement des communautés qui vivent des terres en question et qui se retrouvent expulsées sans compensation. Selon la campagne d’Oxfam intitulée La face cachée des marques, les dix grandes entreprises mondiales du secteur agroalimentaire ne disposent pas de politiques suffisamment efficaces pour éviter que les accaparements de terres et les conflits fonciers n’entachent leurs chaînes d’approvisionnement.

« Déjà associé à de graves problèmes de santé, le sucre réside au cœur d’un problème écœurant d’accaparements de terres, explique Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam. Coca-Cola, PepsiCo et Associated British Foods sont les trois premiers producteurs et acheteurs mondiaux de sucre, mais ils ne font pas grand-chose pour s’assurer que le sucre utilisé dans leurs produits ne provient pas de terres arrachées à des communautés défavorisées. »

Et d’ajouter : « C’est insuffisant pour les personnes qui aiment leurs produits. Nous invitons ces consommateurs à se joindre à nous pour exiger que Coca-Cola, Pepsi et Associated British Foods prennent sans plus tarder les mesures qui s’imposent pour en finir avec les accaparements de terres. Ces trois entreprises ont un pouvoir et une influence considérables. En prenant des mesures, elles pourraient transformer l’industrie. »

Des plantations au détriment de forêts et exploitations agricoles

Oxfam possède des preuves d’accaparements de terres et de conflits fonciers au Cambodge et au Brésil. Par exemple :

  • Dans l’État brésilien de Pernambuco, une communauté de pêcheurs lutte pour pouvoir accéder à ses terres et ses zones de pêche, après avoir été violemment expulsée en 1998 par une sucrerie qui fournit du sucre à Coca-Cola et à PepsiCo. Nombre des familles vivent désormais dans les quartiers pauvres de la ville la plus proche et peinent à subvenir à leurs propres besoins. 
  • Toujours au Brésil, dans le Mato Grosso do Sul, des communautés autochtones s’opposent à l’occupation de leurs terres par des plantations de canne à sucre fournissant une sucrerie détenue par Bunge. Coca-Cola s’approvisionne auprès de Bunge au Brésil, mais affirme que son sucre ne provient pas de la sucrerie en question. Les plantations ont détruit la forêt dont ces communautés autochtones tiraient leur subsistance. 
  • Au Cambodge, dans le district de Sre Ambel, 200 familles luttent pour récupérer les terres dont elles ont été expulsées en 2006 afin de laisser place à une plantation de canne à sucre. Cette plantation fournit Tate & Lyle Sugars qui, à son tour, fournit les entreprises qui fabriquent et mettent en bouteille les produits de Coca-Cola et de PepsiCo sous franchise. La vie des familles a été anéantie ; désormais, elles n’ont nulle part où cultiver la terre et pratiquer l’élevage.
  • La presse a également rapporté des conflits fonciers au Mali, en Zambie et au Malawi, auxquels Associated British Foods (ABF) serait associé du fait de sa participation dans Illovo, le premier producteur de sucre de canne en Afrique.

Oxfam invite Coca-Cola, PepsiCo et Associated British Foods à s’engager à une tolérance zéro des accaparements de terres dans l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement. Ces entreprises doivent indiquer clairement les noms de leurs fournisseurs et la provenance de leurs ingrédients, publier des évaluations sur les incidences de leurs achats de sucre pour les droits fonciers des communautés locales et user de leur pouvoir pour encourager les gouvernements et l’ensemble du secteur agroalimentaire à respecter les droits fonciers. Ces entreprises ont toutes trois obtenu des scores mauvais à très mauvais pour leurs politiques foncières, selon la fiche d’évaluation de La face cachée des marques réalisée par Oxfam.

  • Coca-Cola est le plus gros acheteur de sucre et pèse pour 25 % du marché mondial des boissons non alcoolisées. Son portefeuille de 500 marques comprend Coca-Cola light, Fanta et Del Valle. 
  • PepsiCo détient 18 % du marché des boissons non alcoolisées et propose divers types de produits alimentaires dans un portefeuille de 21 marques, dont Pepsi, Tropicana, Doritos, Lipton et Walkers.
  • Associated British Foods est le deuxième producteur mondial de sucre et possède des marques populaires telles que le sucre Silver Spoon, Ovomaltine, Kingsmill et Patak’s.
Ces trois entreprises ont un pouvoir et une influence considérables. En prenant des mesures, elles pourraient transformer l’industrie.
Winnie Byanyima
Directrice générale d'Oxfam

Notes aux rédactions

  • Une note d’information pour les médias (disponible en anglais et espagnol), des photos, des témoignages et des clips vidéo de 60 secondes sur des affaires d’accaparements de terres au Brésil et au Cambodge sont disponibles.
  • Le rapport « La fièvre du sucre » est disponible en français, en espagnol et en anglais
  • La campagne d’Oxfam La face cachée des marques vise à fournir aux personnes qui achètent et apprécient les marques en question les informations dont elles ont besoin pour demander des comptes aux « dix géants » de l’agroalimentaire – Associated British Foods (ABF), Coca-Cola, Danone, General Mills, Kellogg’s, Mars, Mondelēz, Nestlé, PepsiCo et Unilever – sur ce qui se passe dans leurs chaînes d’approvisionnement. Voir la fiche d’évaluation de La face cachée des marques, qui note les politiques d’entreprise relatives au foncier, notamment.
  • Pour soutenir la campagne, les consommateurs peuvent envoyer un courriel à ABF, PepsiCo et Coca-Cola depuis www.behindthebrands.org/fr.

Contact

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Anna Ratcliff +44 7796 993 288 / anna.ratcliff@oxfaminternational.org