Les nouveaux cas d’Ebola constatés dans des centres urbains au cours des derniers jours montrent bien que la flambée du virus en République démocratique du Congo (RDC) n’est toujours pas maîtrisée et que les semaines à venir seront cruciales pour endiguer le virus.
Malgré des efforts d’intervention soutenus, ils restent insuffisants pour aider les communautés à surmonter leurs craintes et leur manque de connaissances au sujet de la maladie. Les conflits, qui font des ravages dans la partie orientale de la RDC depuis des décennies, pourraient aussi miner les efforts visant à endiguer la toute dernière flambée de l’épidémie, qui a fait 90 victimes depuis son apparition le 1er août.
Pour Jose Barahona, directeur d’Oxfam en RDC : « Malgré l’apparent ralentissement du taux de transmission grâce aux interventions rapides des communautés pour éviter la propagation de l’épidémie, ces nouveaux cas en milieu urbain signifient que nous ne sommes pas à l’abri. Dans les grandes villes, surtout quand il s’agit de lieux d’échanges majeurs, les populations côtoient un bien plus grand nombre de personnes.
« Il est aussi très préoccupant que trois cas du virus aient été constatés dans un secteur où les groupes armés sont extrêmement actifs. Il s’agit de groupes hostiles, qui refusent de négocier, et notre capacité à atteindre les populations dans le besoin est extrêmement limitée. Nous ne pouvons pas prédire l’ampleur des conséquences si le virus continue à se propager en s’enfonçant dans les zones tenues par les rebelles ou si ces groupes armés se mettent à attaquer les régions les plus durement frappées par le virus Ebola. »
Un quartier de Beni est devenu un foyer de transmission, où de nouveaux cas sont déclarés pratiquement tous les jours depuis quelques semaines. Une femme atteinte du virus et l’agent de santé qui la soignait sont également décédés dans la ville de Butembo, une place commerciale majeure qui abrite près d’un million d’habitants et qui est proche de la frontière avec l’Ouganda. Trois cas, dont un mortel, ont été recensés dans la ville d’Oicha, une région où il est extrêmement dangereux de travailler en raison de la présence de groupes rebelles armés. Bien que le virus y soit jugé maîtrisé, des groupes armés ont lancé des attaques violentes contre des positions de l’armée autour de la ville de Beni ces dernières semaines, dont une dimanche dernier.
Oxfam s’inquiète aussi que sous l’effet de la peur, les communautés courent des risques sanitaires énormes en évitant d’emmener leurs proches malades dans les centres de traitement du virus Ebola, qu’elles assimilent à des « prisons » ou à des « mouroirs ». Un nombre important d’individus qui sont entrés en contact avec quelqu’un de contagieux se sont enfuis de chez eux et il arrive que certains refusent de remettre la dépouille de leurs proches, avec tous les risques exacerbés de propagation du virus que cela entraîne.
À Mangina, le foyer de l’épidémie où 80 % des décès se sont produits, Oxfam a trouvé les habitants sous le choc et en colère que leurs proches soient morts si rapidement et leurs dépouilles emportées.
Oxfam a entendu parler de plusieurs cas où, sous l’effet de la peur, des travailleuses et travailleurs humanitaires ont été menacés par une foule en colère brandissant machettes et gourdins et jetant des pierres sur leurs voitures, et où des agents de santé ont été accusés d’avoir « tué » des proches. Dans un village, le point de contrôle de dépistage sanitaire a été en partie incendié et, dans un autre, le personnel d’Oxfam a dû s’arrêter devant un barrage dressé par les habitants pour empêcher toute aide de passer.
« C’est la toute première fois que les populations sont confrontées au virus Ebola, précise J. Barahona. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’elles soient sous le choc et effrayées. Si on ajoute à cela l’arrivée d’agents de santé revêtus d’une combinaison qui leur donne l’allure de cosmonautes et le fait que cela fait des décennies qu’elles vivent sous la menace constante de violences, il est facile de comprendre combien la situation doit leur paraître effrayante. »
Oxfam apporte déjà de l’aide à 138 000 personnes, par la fourniture d’eau potable et par des actions menées auprès de chefs et de bénévoles des communautés locales pour mieux faire comprendre les méthodes de prévention de la transmission du virus Ebola et pour dissiper les mythes et les craintes que les populations peuvent avoir.
J. Barahona ajoute : « D’après notre expérience des épidémies passées du virus Ebola, il n’y a pas de doute que pour endiguer le virus, il est absolument essentiel de parler avec les communautés et de trouver des solutions sûres avec elles. Lorsque les populations sont informées et que l’on prend le temps d’écouter leurs préoccupations et leurs questions, elles changent très vite de comportement.
« Cela fait des années que ces gens vivent en situation de conflit et personne n’est venu à leur secours. Maintenant, ils voient leurs proches emportés par la maladie et on leur refuse de les enterrer conformément à la coutume. Il reste encore beaucoup à faire pour veiller à ce que les efforts d’intervention se mettent à l’écoute des craintes des communautés. »
Notes aux rédactions
D’après l’Organisation mondiale de la Santé, on compte 90 décès du virus Ebola et 131 cas (confirmés et probables) http://www.who.int/ebola/situation-reports/drc-2018/fr/
Cliquer ici pour obtenir des témoignages et des photos (crédit photo : John Wessels/Oxfam) : https://wordsandpictures.oxfam.org.uk/pages/search.php?search=%21collection36083&k=cb9087a607
Apollinaire, une infirmière de 38 ans de Mangina, a été attaquée par des familles endeuillées : « Cela fait plus de 10 ans que je travaille comme infirmière. J’avais déjà entendu parler de la maladie avant son apparition ici, je savais qu’elle était très contagieuse. Dès que nous avons constaté les signes de la maladie qui ont été confirmés par les résultats des tests en laboratoire, nous avons déclaré les cas. J’en ai déclaré 10 depuis le début de la flambée.
« Il y a des membres de la communauté qui se sont mis en colère car j’envoyais les malades au centre de traitement. Ils pensaient que c’était ma faute que leurs proches étaient en train de mourir et qu'on tuait des gens à l’hôpital. Ils m’ont couru après en brandissant des bâtons et m'ont menacée. »
Après cet incident, une fois que la communauté a été bien informée, les attaquants se sont excusés et regrettaient leurs gestes.
Louise est leader de communauté (chef adjoint) dans un district au sein de Mangina, la région la plus touchée par le virus Ebola: « Pour commencer, nous avons pensé que le virus Ebola était de la sorcellerie. Nous pensions qu’un sort avait été jeté aux femmes, car ce sont elles qui sont les plus touchées. Mais depuis qu’on nous a expliqué de quoi il en retournait, nous comprenons qu’il s'agit là d’une maladie très grave qui nous arrive. Beaucoup de femmes sont mortes ici à Mangina, au moins une vingtaine, pratiquement toutes de la même famille. Il faut dire qu’au sein de notre communauté, ce sont surtout les femmes qui s’occupent des malades, qui les lavent et qui lavent leurs vêtements.
« Depuis l’épidémie d’Ebola, beaucoup de gens sont morts, d'autres sont à l’hôpital. Beaucoup d’enfants se retrouvent sans leur mère. Ces enfants ont beaucoup de mal à vivre et la communauté dispose de peu de moyens pour les aider. Ici à Mangina, le simple fait de trouver de quoi nourrir son ménage est difficile. Il nous arrive de passer la journée entière sans manger.
« Nous devons commencer par nous former nous-mêmes, les chefs, pour prendre conscience de la maladie et relayer ces connaissances. Nous sommes bien placés pour transmettre ce savoir à la communauté, car nous en connaissons les membres et ceux-ci nous connaissent. Quand nous nous adressons à eux, ils nous comprennent. »
Contact
Sarah Dransfield on sdransfield@oxfam.org.uk | Tel: +44 (0)1865 472269 | Mob: +44 (0)7884 114825
For updates, please follow @Oxfam.
D’après l’Organisation mondiale de la Santé, on compte 90 décès du virus Ebola et 131 cas (confirmés et probables) http://www.who.int/ebola/situation-reports/drc-2018/fr/
Cliquer ici pour obtenir des témoignages et des photos (crédit photo : John Wessels/Oxfam) : https://wordsandpictures.oxfam.org.uk/pages/search.php?search=%21collection36083&k=cb9087a607
Apollinaire, une infirmière de 38 ans de Mangina, a été attaquée par des familles endeuillées : « Cela fait plus de 10 ans que je travaille comme infirmière. J’avais déjà entendu parler de la maladie avant son apparition ici, je savais qu’elle était très contagieuse. Dès que nous avons constaté les signes de la maladie qui ont été confirmés par les résultats des tests en laboratoire, nous avons déclaré les cas. J’en ai déclaré 10 depuis le début de la flambée.
« Il y a des membres de la communauté qui se sont mis en colère car j’envoyais les malades au centre de traitement. Ils pensaient que c’était ma faute que leurs proches étaient en train de mourir et qu'on tuait des gens à l’hôpital. Ils m’ont couru après en brandissant des bâtons et m'ont menacée. »
Après cet incident, une fois que la communauté a été bien informée, les attaquants se sont excusés et regrettaient leurs gestes.
Louise est leader de communauté (chef adjoint) dans un district au sein de Mangina, la région la plus touchée par le virus Ebola: « Pour commencer, nous avons pensé que le virus Ebola était de la sorcellerie. Nous pensions qu’un sort avait été jeté aux femmes, car ce sont elles qui sont les plus touchées. Mais depuis qu’on nous a expliqué de quoi il en retournait, nous comprenons qu’il s'agit là d’une maladie très grave qui nous arrive. Beaucoup de femmes sont mortes ici à Mangina, au moins une vingtaine, pratiquement toutes de la même famille. Il faut dire qu’au sein de notre communauté, ce sont surtout les femmes qui s’occupent des malades, qui les lavent et qui lavent leurs vêtements.
« Depuis l’épidémie d’Ebola, beaucoup de gens sont morts, d'autres sont à l’hôpital. Beaucoup d’enfants se retrouvent sans leur mère. Ces enfants ont beaucoup de mal à vivre et la communauté dispose de peu de moyens pour les aider. Ici à Mangina, le simple fait de trouver de quoi nourrir son ménage est difficile. Il nous arrive de passer la journée entière sans manger.
« Nous devons commencer par nous former nous-mêmes, les chefs, pour prendre conscience de la maladie et relayer ces connaissances. Nous sommes bien placés pour transmettre ce savoir à la communauté, car nous en connaissons les membres et ceux-ci nous connaissent. Quand nous nous adressons à eux, ils nous comprennent. »
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