Au fil de l’eau : à la recherche de l’or bleu au Burkina Faso

In the Central North region of Burkina Faso, water has become a scarce resource.

Face aux changements climatiques et au manque d’eau, la population du Burkina Faso fait preuve de résilience et d’innovation. Mais à elle seule, elle ne peut régler ce problème mondial.

Depuis janvier 2019, la région du Nord du Burkina Faso est le théâtre de conflits armés qui ont forcé 1,7 million de personnes à tout abandonner dans l’espoir de trouver refuge dans des localités plus sûres. Elles font à présent face à un nouveau défi : trouver de l’eau. Pour comprendre l’étendue de ce problème, le photo journaliste Samuel Turpin est allé avec Oxfam dans la région du Centre Nord du pays, où l’or bleu est devenu une ressource rare.

« Les rendements de mes récoltes ne suffisent plus à nourrir ma famille. »

C’est le matin, et le soleil tape déjà très fort alors que la file d’attente ne cesse de s’allonger devant la pompe à eau, dans la ville de Kaya. Dans cette longue queue, filles, femmes et enfants attendent dans l’espoir de pouvoir remplir au moins un bidon d’eau pour cuisiner, se laver ou arroser leurs potagers, un espoir qui se dissipe au fur et à mesure que les minutes et les heures s’écoulent.

Queuing for water at the Kaya IDP camp in Burkina Faso
Queuing for water at the Kaya IDP camp in Burkina Faso

À Kaya, dans la région du Centre Nord, la population a presque doublé en deux ans avec l’arrivée de centaines de milliers de déplacé.es internes. Cet afflux de populations a accentué la demande en eau et le système hydraulique de la ville ne suffit plus à approvisionner tout le monde.

Mais l’arrivée de ces déplacé.es n’explique pas à elle seule le problème de l’eau dans cette région du Burkina Faso. Depuis une trentaine d’années maintenant, les sources d’eau se tarissent sous l’effet de la hausse des températures et du manque de précipitations.

In the Central North region of Burkina Faso, water has become a scarce resource.

Alizeta est agricultrice, veuve et mère de huit enfants dans le village de Louda.

« Toute ma vie j’ai fait de l’agriculture. Je cultivais des céréales. » se souvient-elle. « Mais les rendements sont devenus de plus en plus faibles à cause des effets du dérèglement climatique. Il pleut de moins en moins et la saison sèche est de plus en plus longue et chaude. »

Comme la majorité de la population du Burkina, Alizeta dépend de l’agriculture pour se nourrir et subvenir aux besoins de sa famille. Sans eau, c’est son unique source de revenus qui est menacée.

Alizeta is a farmer, widow and mother of eight children living in the village of Louda.
Alizeta is a farmer, widow and mother of eight children living in the village of Louda.

Un peu plus loin dans le village de Namasigui, le constat est le même.

« Aujourd'hui mon principal problème, c'est l'eau. Les pluies ne sont plus suffisantes à cause du dérèglement climatique. Nous devons parcourir trois kilomètres pour aller chercher l'eau au puit. » explique Inoussa, agriculteur. « Les rendements de mes récoltes sont de plus en plus faibles et ne suffisent pas à nourrir ma famille toute l’année. »

“My harvests are decreasing, and I can no longer feed my family all year round”, explains Inoussa, a local farmer
“My harvests are decreasing, and I can no longer feed my family all year round”, explains Inoussa, a local farmer

Pour faire face au dérèglement climatique, ces agriculteurs sont revenus aux techniques d’agriculture traditionnelle. « J'utilise des techniques de demi-lunes et de cordons pierreux pour retenir l'eau dans mes cultures. Cela ralentit l'écoulement et l'évaporation de l'eau. » explique Inoussa.

In the Central North region of Burkina Faso, water has become a scarce resource.

Non loin de là, à Soubo, Aguiratou, agricultrice, a également dû adapter les techniques qu’elle utilise et diversifier ses activités.

 « J’ai appris à fertiliser les sols avec du compost, à mettre en place des cordons pierreux qui permettent de retenir l’eau dans les champs durant la saison des pluies, et à éviter que les eaux de pluie ne lessivent les sols. ».

Ainsi, elle a pu augmenter ses récoltes et faire des provisions de nourriture pour la prochaine période de soudure, qui se situe entre le moment où les récoltes précédentes sont épuisées et celui où commencent les premières récoltes de l’année. Cette période, qui dure généralement de mai à septembre, est celle pendant laquelle le risque d’insécurité alimentaire est le plus important.

in Soubo, Aguiratou has also had to use different techniques and diversify her activities.
in Soubo, Aguiratou has also had to use different techniques and diversify her activities.

Malheureusement, tous les agriculteurs et agricultrices du Burkina Faso n’auront pas la même chance qu’Aguiratou. En 2022, à cause des aléas climatiques et de la persistance de l’insécurité, on estime à 33 millions le nombre de personnes qui pourraient se retrouver en situation de crise alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest durant la période de soudure.

Since January 2019, the Northern Region of Burkina Faso has been affected by armed conflicts that have forced 1.7 million people to leave.

Une goutte d’eau dans l’océan de l’injustice climatique

Face aux changements climatiques et au manque d’eau, la population du Burkina Faso fait preuve de résilience et d’innovation. Mais à elle seule, elle ne peut régler ce problème mondial.

Alors qu’elle ne contribue que très peu au réchauffement climatique, l'Afrique de l'Ouest est particulièrement vulnérable à ses conséquences. Par exemple, les pays du Sahel sont responsables d’une part infime des émissions mondiales de gaz à effet de serre, estimée à 0,92%. Pourtant, les pays du Sahel se classent parmi les 20% des pays les plus vulnérables au monde, le Niger étant considéré comme le plus vulnérable.

Il est temps que les gouvernements d’Afrique de l’Ouest exigent des Etats les plus pollueurs des actions concrètes pour plus de justice climatique.

 

Crédit photos: Samuel Turpin