Le G20 doit enrayer la montée des inégalités en commençant par une réforme fiscale internationale plus juste
Le fossé entre les grandes fortunes et le reste de la population est vertigineux et continue de se creuser. Les pays du G20 ne sont pas à l’abri.
Depuis que l’Australie a pris la présidence du G20, en 2013, la richesse totale des pays du G20 a augmenté de 17 000 milliards de dollarsi, mais les 1 % les plus riches de sa population ont gagné 6 200 milliards de dollars, soit 36 % de l’ensemble de cette augmentation. En effet, au cours de l’année écoulée, les 1 % les plus riches de la population
ont pris une part encore plus importante du gâteau dans la grande majorité des pays du G20. Ceux-ci n’en regroupent pas moins, encore aujourd’hui, plus de la moitié des personnes en situation de pauvreté dans le mondeiii. Le G20 ne peut pas se permettre d’ignorer le problème des inégalités.
Ces mêmes problèmes existent dans le monde entier. Sept personnes sur dix vivent dans un pays où les inégalités se sont aggravées au cours des trente dernières annéesiv, et un milliard de personnes vivent encore dans l’extrême pauvreté. Les inégalités extrêmes empêchent en outre des millions de personnes de sortir de la pauvretév, ce qui engendre un
cercle vicieux qu’il faut briser.
La crise d’Ebola est un exemple frappant de l’incidence des inégalités économiques et sociales croissantes. Le virus se propage en Afrique de l’Ouest car les pays touchés ne disposent pas d’infrastructures de santé suffisantes pour l’arrêter. Les dirigeant-e-s du G20 doivent veiller à mobiliser sans tarder toutes les ressources humaines, matérielles et financières nécessaires pour endiguer l’épidémie, comme le préconise la Feuille de route pour la riposte au virus Ebola.
Malgré l’explosion des inégalités et ses effets délétères, les pays du G20 poursuivent des stratégies de croissance trop axées sur l’augmentation du PIB, alors qu’elles devraient viser une répartition plus équitable des richesses, laquelle réduirait les inégalités et améliorerait les conditions de vie des plus pauvres comme des plus riches. Les pays du G20
représentent environ 90 % du produit national brut mondial et 80 % du commerce mondial, ce qui leur confère une influence politique sans égale sur leur propre pays et sur le reste du monde. Leurs décisions ont des conséquences directes pour les pays les plus pauvres.
Le G20 doit respecter son engagement de promouvoir une croissance inclusive, qui nécessite de privilégier les stratégies réduisant le fossé entre les 40 % les plus pauvres et les plus riches.
Une révision des règles internationales d’imposition des multinationales, dans le cadre du projet « BEPS » de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, mené par l’OCDE à la demande du G20, est l’une des priorités du G20 et un passage obligé pour régler le problème des inégalités. Le ministre australien des Finances,
Joe Hockey, a déclaré que « la fraude et l’évasion fiscales [étaient] un problème international dont les effets sont parfois ressentis plus durement par les populations les plus pauvres dans les pays les plus pauvres ».
Oxfam partage ces préoccupations. Nos études montrent que l’évasion fiscale des entreprises et les allègements fiscaux qui leur sont accordés représenteraient pour les pays en développement un manque à gagner de plus de 100 milliards de dollars par anvi, ce qui correspond à près de quatre fois les financements nécessaires pour scolariser tous les
enfants du mondevii.
Oxfam se réjouit des avancées réalisées pour réformer globalement l’imposition des entreprises, mais le projet BEPS ne traite pas de l’ensemble des problèmes fiscaux auxquels les pays en développement se trouvent confrontés. Il ne règle pas non plus tous les problèmes fondamentaux qui permettent actuellement aux multinationales de s’en tirer sans payer leur juste part d’impôt. Le G20 doit avoir la volonté de dépasser le cadre du projet BEPS de l’OCDE et de travailler avec l’ensemble des pays pour modifier en profondeur les règles fiscales internationales, s’attaquant aux questions particulièrement importantes pour les pays en développement que sont notamment le principe d’imposition des entreprises à la source ou selon leur pays de résidence, la concurrence fiscale entre Etats et les répercussions des politiques fiscales nationales sur les autres pays. Il s’agit de réformes fondamentales et se contenter de simples retouches serait insuffisant.
Le G20 doit montrer qu’il a vraiment l’intention de réduire les inégalités en restant fidèle à son engagement en faveur de la croissance inclusive et en s’engageant à aller plus loin que les projets actuels de réforme fiscale, afin que le système soit au service du plus grand nombre, au lieu de privilégier les entreprises multinationales et les pays les plus riches.