Oxfam demande aux donateurs d’allouer l’aide en fonction des besoins et non des gains politiques ou militaires à court terme.
Dans un rapport publié aujourd'hui, l'ONG internationale Oxfam déclare que les pays donateurs consacrent proportionnellement plus d'aide aux pays qu'ils considèrent comme étant politiquement et militairement importants, et négligent des besoins tout aussi criants provoqués par d'autres crises.
Dans le rapport "À qui doit profiter l’aide ?", Oxfam constate que des milliards de dollars d’aide internationale qui auraient pu transformer la vie de personnes dans les pays les plus pauvres dans le monde ont plutôt été consacrés à des projets non durables, coûteux et parfois dangereux. Les bailleurs de fonds internationaux ont utilisé cet argent pour soutenir leurs propres politiques étrangères et leurs objectifs de sécurité à court terme.
Depuis 2001, on note une tendance croissante à utiliser l’aide pour gagner "les cœurs et les esprits" dans les conflits. Malheureusement, souligne Oxfam, cette aide est souvent mal conçue, inefficace et, dans certains cas, a fait des bénéficiaires et des travailleurs humanitaires la cible d’attaques. Souvent, ce type d'aide ignore les plus pauvres et brouille dangereusement la ligne de démarcation entre les activités civiles et militaires.
Le rapport indique que pour atteindre les engagements des donateurs, l'aide a augmenté entre 2001 et 2008, mais plus de 40% de cette augmentation a été dépensée dans seulement deux pays, l'Afghanistan et l'Irak. 150 autres pays pauvres se partageant le reste de l’aide.
Alors que les budgets nationaux sont en cours de révision et qu’il y a plus de personnes dans le besoin que jamais, Oxfam affirme qu'une nouvelle approche est nécessaire pour maximiser l'impact de l'aide fondée sur des objectifs à long terme plutôt que les intérêts politiques ou militaires à court terme.
"Nous sommes face à une tendance inquiétante, dans laquelle certains gouvernements donateurs utilisent l'aide pour obtenir des gains rapides sur le plan politique au lieu de chercher des solutions globales pour lutter contre la pauvreté", a déclaré l'auteur du rapport Mike Lewis.
"Une aide efficace permet de sauver des vies, de réduire la pauvreté, de mettre sur pied des systèmes de santé et d'éducation, et de renforcer les économies des pays les plus pauvres. Les aides destinées à des objectifs politiques et militaires à court terme ne parviennent pas à atteindre les populations les plus pauvres et échouent également à renforcer la sécurité à long terme dans les États fragiles, ce qui a également un impact sur les donateurs."
Le rapport indique qu'en 2010, 225 travailleurs humanitaires ont été tués, blessés ou enlevés dans des attaques violentes, contre 85 en 2002. Cela s’explique en partie par un plus grand nombre d’humanitaires intervenant dans des endroits violents. Mais les statistiques indiquent que c’est aussi le résultat d'une augmentation des attaques à caractère politique. La neutralité des travailleurs humanitaires est compromise si les habitants voient l'aide comme étant un outil militaire.
Pour Mike Lewis, "les projets mal conçus ont tendance à aliéner les gens mêmes dont les donateurs veulent gagner les cœurs et les esprits. Brouiller la distinction entre les travailleurs humanitaires civils et les militaires peut faire des humanitaires, et surtout des communautés dans lesquelles ils et elles travaillent, des cibles potentielles."
"L'aide ne peut gagner les cœurs et les esprits que lorsqu’elle est séparée de l'effort militaire et qu’elle a pour objectif de réduire la pauvreté et la souffrance plutôt que de s'attaquer aux problèmes de sécurité à court terme des gouvernements donateurs", ajoute M. Lewis.
En Afghanistan, les États-Unis et d'autres pays de l'Otan ont dépensé des milliards de dollars sur des projets à impact rapide, coûteux et non durables. Destinés à gagner le soutien local, ils sont pourtant perçus par de nombreux Afghans comme étant particulièrement pris pour cibles par les Talibans. La formation donnée par l'Otan aux troupes en Afghanistan a continué d'encourager la récompense en aide humanitaire à ceux qui fournissent des renseignements, même après que l'Otan, en 2004, a elle-même officiellement renoncé à cette pratique et a convenu des règles interdisant une telle approche.
Selon le rapport, la politisation et la militarisation de l'aide ont, dans certains endroits, rendu beaucoup plus difficile la fourniture d’aide à celles et ceux qui en ont besoin par les organisations humanitaires. En Somalie, l'aide humanitaire fournie par les États-Unis aux personnes les plus démunies a été divisée par huit entre 2008 et 2010, alors qu’elle était auparavant la principale source d’aide pour ce pays. Cette baisse est survenue après que le gouvernement des États-Unis a enregistré certains groupes armés qui contrôlent la majorité du Centre et du Sud de la Somalie comme terroristes en vertu des lois américaines et mis fin à des financements quand les organisations humanitaires ne pouvaient garantir qu'aucune aide ne parviendrait à ces groupes proscrits.
Le rapport note que certains bailleurs de fonds font de plus en plus de l’aide un outil militaire lorsqu’ils répondent aux urgences.
Oxfam reconnaît que les militaires peuvent jouer un rôle crucial dans les jours qui suivent une crise humanitaire, en particulier à travers la fourniture de transports et l’établissement d’un environnement sûr, mais l’ONG note toutefois que les organisations humanitaires sont les mieux placées pour fournir directement nourriture, soins médicaux et soutien aux moyens de subsistance aux victimes de catastrophes. Les différentes évaluations, de l'intervention humanitaire face à la crise des réfugiés rwandais en 1994 au tsunami dans l'océan Indien en 2005, suggèrent que l'armée peut coûter jusqu'à huit fois plus cher pour fournir des services de base par rapport à d'autres options civiles.
En savoir plus
Lire le rapport : À qui doit profiter l'aide ? Politisation de l'aide dans les conflits et les crises
Thèmes de travail : Efficacité de l'aide
Notes aux rédactions
Depuis 2001, la population de la République démocratique du Congo a reçu au mieux 10 dollars par an et par habitant d’aide humanitaire, tandis qu’en Irak, un pays beaucoup plus riche, la population a reçu certaines années jusqu’à douze fois ce montant.
Depuis 2009, le Canada s'est engagé à dépenser 80 pour cent de son aide bilatérale sur 20 « pays visés », désignés en partie sur la base de « leur alignement avec les priorités canadiennes en matière de politique étrangère. » Ces pays comprennent l'Afghanistan, où les troupes canadiennes sont au combat, et la Colombie, un pays avec une économie à revenu intermédiaire, avec qui le Canada venait de signer un accord de libre-échange, alors que sept pays à faible revenu en Afrique subsaharienne ont été abandonnés.
En France, l'aide a longtemps été orientée vers les pays francophones d'Afrique, et affectée en fonction d’un mélange d'intérêts stratégiques et de liens historiques. Bien qu’ils soient maintenant également déterminés en fonction des besoins, les pays bénéficiaires de l'aide française sont encore explicitement choisis en fonction de certains « critères d'intérêt », incluant leur importance pour la sécurité nationale française et les priorités de lutte contre le terrorisme.
Entre 2007 et 2009, plus de la moitié de l'aide australienne en Afghanistan a été acheminée par le ministère de la Défense, qui n'est pas tenu de se présenter ou d'évaluer l'impact de ses projets d'aide.
Sur une note plus positive, en 2010 environ 17 pour cent des 2 milliards de dollars d'aide humanitaire d'ECHO a été consacrée à douze « crises oubliées » qui n’étaient plus d’actualité dans les médias et sur la scène politique, depuis les milliers de personnes déplacées par les combats en République centrafricaine jusqu’aux réfugiés sahraouis en Algérie.
Avec 18,2 M €, l’Opération Hispaniola des forces de l'armée espagnole a fourni des soins à 7 568 Haïtiens, vacciné 21 274 personnes, déblayé 8 000 mètres cubes de débris et distribué 600 000 litres d'eau potable. Par comparaison, avec seulement 1 M€, Intermón Oxfam (Espagne) a fourni une assistance à 20 810 bénéficiaires, construit 5 800 latrines, distribué des trousses d'hygiène à près de 9 000 personnes et a fourni du matériel pour des abris de base à près de 4 000 personnes.
Contact
Louis Belanger, Chargé des relations médias à Oxfam +1 917 224 0834
Depuis 2001, la population de la République démocratique du Congo a reçu au mieux 10 dollars par an et par habitant d’aide humanitaire, tandis qu’en Irak, un pays beaucoup plus riche, la population a reçu certaines années jusqu’à douze fois ce montant.
Depuis 2009, le Canada s'est engagé à dépenser 80 pour cent de son aide bilatérale sur 20 « pays visés », désignés en partie sur la base de « leur alignement avec les priorités canadiennes en matière de politique étrangère. » Ces pays comprennent l'Afghanistan, où les troupes canadiennes sont au combat, et la Colombie, un pays avec une économie à revenu intermédiaire, avec qui le Canada venait de signer un accord de libre-échange, alors que sept pays à faible revenu en Afrique subsaharienne ont été abandonnés.
En France, l'aide a longtemps été orientée vers les pays francophones d'Afrique, et affectée en fonction d’un mélange d'intérêts stratégiques et de liens historiques. Bien qu’ils soient maintenant également déterminés en fonction des besoins, les pays bénéficiaires de l'aide française sont encore explicitement choisis en fonction de certains « critères d'intérêt », incluant leur importance pour la sécurité nationale française et les priorités de lutte contre le terrorisme.
Entre 2007 et 2009, plus de la moitié de l'aide australienne en Afghanistan a été acheminée par le ministère de la Défense, qui n'est pas tenu de se présenter ou d'évaluer l'impact de ses projets d'aide.
Sur une note plus positive, en 2010 environ 17 pour cent des 2 milliards de dollars d'aide humanitaire d'ECHO a été consacrée à douze « crises oubliées » qui n’étaient plus d’actualité dans les médias et sur la scène politique, depuis les milliers de personnes déplacées par les combats en République centrafricaine jusqu’aux réfugiés sahraouis en Algérie.
Avec 18,2 M €, l’Opération Hispaniola des forces de l'armée espagnole a fourni des soins à 7 568 Haïtiens, vacciné 21 274 personnes, déblayé 8 000 mètres cubes de débris et distribué 600 000 litres d'eau potable. Par comparaison, avec seulement 1 M€, Intermón Oxfam (Espagne) a fourni une assistance à 20 810 bénéficiaires, construit 5 800 latrines, distribué des trousses d'hygiène à près de 9 000 personnes et a fourni du matériel pour des abris de base à près de 4 000 personnes.
Louis Belanger, Chargé des relations médias à Oxfam +1 917 224 0834