Avec des règles commerciales faussées, la croissance économique ne peut bénéficier qu’à une élite fortunée

Publié: 20th janvier 2014

Une petite élite de 85 personnes possède une fortune égale aux revenus de la moitié de la population mondiale

Dans son nouveau rapport « En finir avec les inégalités extrêmes » publié aujourd’hui l’organisation mondiale de développement Oxfam dénonce l’entente entre une élite fortunée et le pouvoir politique pour fausser les règles du jeu économique, saper la démocratie et engendrer un monde où les 85 plus grandes fortunes possèdent autant que la moitié de la population mondiale.

Publié à la veille du Forum économique mondial qui se tient cette semaine à Davos, ce rapport analyse les effets pernicieux qu’a le creusement des inégalités sur les pays développés et en développement en permettant aux plus fortunés d’enrayer les processus démocratiques et de dicter des politiques qui favorisent leurs intérêts au détriment du reste de la population.

D’après ce rapport, l’opinion publique à travers le monde prend de plus en plus conscience de cet accaparement du pouvoir. Des sondages réalisés pour Oxfam au Brésil, en Inde, en Afrique du Sud, en Espagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis, montrent que la majorité des personnes interrogées dans ces six pays estime que les lois sont biaisées en faveur des riches.

Lutter contre les inégalités : une priorité mondiale

Les inégalités sont passées au premier rang des préoccupations internationales ces dernières années. Le président américain Barack Obama en a fait une priorité pour 2014. Le Forum économique mondial (WEF, World Economic Forum) a classé l’accentuation des disparités de revenus au second rang des risques auxquels le monde devra faire face au cours des 12 à 18 prochains mois. Dans son rapport présentant les perspectives pour 2014, publié en novembre dernier, le forum prévenait que les inégalités compromettent la stabilité sociale et menacent la sécurité dans le monde.

Oxfam demande aux États de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour renverser cette tendance. L’organisation invite les femmes et les hommes participant au forum à prendre un engagement personnel, en six points, de s’attaquer au problème.

Un cercle vicieux

Pour Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam, qui assistera aux réunions de Davos, « il est stupéfiant qu’au XXIe siècle, la moitié de la population mondiale ne possède pas plus qu’une élite moins nombreuse que la capacité de places assises d’une rame de train.

« Nous ne pouvons espérer vaincre la pauvreté sans nous attaquer aux inégalités. Le creusement des inégalités engendre un cercle vicieux dans lequel la richesse et le pouvoir se concentrent de plus en plus entre les mains d’une minorité ne laissant que des miettes aux autres.

L'égalité des chances, un rêve ?

« Dans les pays développés comme dans les pays en développement, nous vivons dans un monde où les taux d’imposition les plus faibles, les meilleurs services de santé et d’éducation et la possibilité d’exercer une influence sont de plus en plus souvent accordés non seulement aux personnes fortunées mais aussi à leurs enfants.

« Sans une action concertée pour réduire les inégalités, les privilèges et les désavantages se transmettront de génération en génération. Nous vivrons bientôt dans un monde où l’égalité des chances ne sera plus qu’un rêve. Dans trop de pays, la croissance économique ne sera plus qu’une manne réservée aux plus riches. »

Des taux d'imposition des plus riches en baisse

Au cours des dernières décennies, les riches sont notamment parvenus à imposer la déréglementation du secteur financier, les paradis fiscaux et le secret bancaire, des pratiques commerciales anticoncurrentielles, la baisse des taux d’imposition sur les hauts revenus et le capital, ainsi que la réduction des services publics destinés à la majorité ou un sous-investissement en la matière. Depuis la fin des années 1970, les taux d’imposition des plus riches ont diminué dans 29 des 30 pays pour lesquels des données sont disponibles, ce qui signifie qu’un peu partout, les contribuables aisés non seulement gagnent plus, mais aussi paient moins d’impôt.

Les intérêts des classes aisées mieux représentés

Aux États-Unis, une étude statistique récente a démontré la représentation écrasante des intérêts des classes aisées au gouvernement américain, par rapport à ceux des classes moyennes. Les préférences des citoyennes et citoyens les plus pauvres n’ont pas pesé dans les votes des élus.

Cette appropriation des chances par les riches au détriment des classes pauvres et moyennes a conduit au fait que sept personnes sur dix vivent dans des pays où les inégalités se sont creusées depuis les années 1980, et aujourd’hui, dans le monde, 1 % des ménages possèdent 46 % des richesses (110 000 milliards de dollars). 

Le rapport « En finir avec les inégalités extrêmes » souligne notamment les faits suivants :

  • Les entreprises et les particuliers les plus fortunés de la planète cachent des milliers de milliards au fisc. On estime que 21 000 milliards de dollars non déclarés se trouvent sur des comptes offshore.

  • Aux États-Unis, les années de déréglementation du secteur financier sont en corrélation directe avec l’augmentation de la part des revenus des 1 % les plus riches, laquelle se situe à présent à son plus haut niveau depuis les années 1920 et la Grande dépression.

  • En Inde, le nombre de milliardaires a décuplé au cours de dix dernières années, une tendance favorisée par une fiscalité très régressive et par les liens existant entre les grandes fortunes et le gouvernement. Dans le même temps, les dépenses en faveur des plus pauvres sont demeurées extrêmement faibles.

  • En Europe, les classes moyennes et les plus pauvres ont dû supporter les mesures d’austérité mises en œuvre sous la pression des marchés financiers, dont les investisseurs fortunés ont bénéficié des plans publics de sauvetage des établissements financiers.

  • En Afrique, les multinationales, notamment dans le secteur des industries extractives, profitent de leur influence pour ne pas payer d’impôts et de droits, ce qui réduit d’autant les ressources dont les États disposent pour lutter contre la pauvreté.

Oxfam invite les responsables réunis au Forum économique mondial à s’engager à :

  • favoriser une fiscalité progressive et ne pas détourner la fiscalité de leur propre pays ;

  • ne pas utiliser leur fortune pour obtenir des faveurs politiques qui iraient à l’encontre de la volonté démocratique de leurs concitoyennes et concitoyens ;

  • déclarer tous les investissements dans les entreprises et fiducies dont ils ou elles sont les propriétaires réels ;

  • encourager les États à utiliser leurs recettes fiscales pour financer une couverture universelle en matière de santé, d’éducation et de protection sociale de la population ;

  • défendre un salaire minimum vital dans toutes les sociétés qu’ils ou elles détiennent ou contrôlent ;

  • inviter les autres élites économiques à les rejoindre dans ces engagements.

Oxfam appelle les États à lutter contre les inégalités en prenant des mesures sévères contre l’opacité financière et l’évasion fiscale, y compris par le biais du G20, en investissant dans la santé et l’éducation universelles, et en fixant l’objectif, à l’échelle mondiale, de mettre fin aux inégalités extrêmes dans chaque pays, dans le cadre des négociations sur l’après-2015.

Sans une action concertée pour réduire les inégalités, les privilèges et les désavantages se transmettront de génération en génération.
Winnie Byanyima
directrice générale d’Oxfam

Notes aux rédactions

La note d'information En finir avec les inégalités extrêmes : confiscation politique et inégalités économiques est disponible en français, anglais et espagnol ainsi que dans une version résumée. 

 

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