Enlèvements, assassinats, déplacements forcés, viols et autres exactions... en 2010, les populations civiles prises dans les conflits ont payé un prix inacceptable
En 2010, la réponse de la communauté internationale en matière de protection des civils a été inégale et souvent partiale, estime l'ONG internationale Oxfam dans un rapport publié le lundi 9 mai. Au cours de l'année passée, les conflits à travers le monde ont provoqué la mort de milliers de civils et le déplacement forcé de plusieurs millions d'autres. Le rapport sort à la veille du débat du Conseil de sécurité de l'ONU, où ses succès et ses échecs en matière de ‘protection des civils' seront examinés.
Dans le rapport intitulé "Protection des civils en 2010", l'ONG étudie 18 conflits armés ayant affecté des populations civiles dans le monde l'année passée. Le document met notamment en regard les données existantes relatives au nombre de civils tués, violés ou déplacés et la réponse apportée par le Conseil de sécurité. Le rapport se penche également sur le problème des enfants soldats et du nombre de travailleurs humanitaires tués au cours de l'année.
Les principaux faits saillants mis en avant dans le rapport :
- En 2010, les pays qui recensaient le plus grand nombre de civils tués en zone de conflit étaient l'Irak (4 000 personnes au moins), le Pakistan (plus de 3 500 personnes), l'Afghanistan (plus de 2 700 personnes) et la Somalie (plus de 2 000 personnes).
- En 2010, le Soudan comptait à la fois le plus grand nombre de personnes toujours déplacées à l'intérieur du pays - environ 5 millions - et le nombre le plus important d'individus nouvellement déplacés par un conflit, soit plus de 532 000 personnes.
- En 2010, la Somalie avait le pourcentage le plus élevé de déplacés, soit plus de 16% de sa population totale, dont beaucoup demeuraient déplacés depuis plusieurs années.
- En 2010, nombre d'enfants ont été enrôlés par différents groupes armés dans 10 des 18 pays étudiés dans ce rapport. En Afghanistan, en République centrafricaine, au Tchad, au Soudan, en République démocratique du Congo, en Birmanie ou en Somalie, tant les forces armées gouvernementales que les groupes armés non-étatiques seraient à l'origine de telles pratiques.
- En 2010, l'Afghanistan restait la zone la plus dangereuse pour les humanitaires : 29 d'entres eux ont été tués, 71 ont été enlevés. Ce qui correspond à 153% d'augmentation par rapport à 2009, et à environ huit fois les chiffres de 2008.
Toute action doit correspondre à un besoin identifié sur le terrain
Dans son rapport, Oxfam estime que toute action menée par le Conseil de sécurité doit correspondre à un besoin identifié sur le terrain. Des actions "qui doivent être destinées à protéger les civils qui en ont le plus besoin", sur la base d'informations et d'analyse des menaces fiables.
"Comme nous avons pu le constater au cours de l'année 2010, la communauté internationale a une façon très arbitraire de décider qui protéger et selon quelle priorité. Les premiers mois de 2011 n'ont pas fait exception. En effet, aucun des conflits récents n'a généré le même degré d'engagement politique ou la même volonté d'agir rapidement qu'en Libye", explique l'auteur du rapport, Nicolas Vercken, d'Oxfam.
"En Colombie, plus de 250 000 personnes ont été nouvellement déplacées en 2010. Le problème n'a pourtant pas été abordé par le Conseil de sécurité, qui n'a jamais mis le pays à son ordre du jour. Nous devons nous assurer qu'une réponse cohérente est apportée aux menaces qui pèsent sur les populations civiles en zone de conflit".
Des informations insuffisantes sur la plupart des conflits
Le rapport fait également état du peu d'information mis à disposition par les états membres de l'ONU concernant les civils en zone de conflits. Si une large documentation est accessible sur le sujet concernant des zones très médiatisées comme l'Afghanistan ou l'Irak, à l'inverse en Somalie, en RDC, au Yémen, comme dans la majorité des pays en conflit, le Conseil de sécurité manque souvent de données.
Nicolas Vercken : "Je ne vois pas comment il est possible de prendre des décisions efficaces sans avoir eu accès au préalable à un certain nombre de chiffres et de données... C'est une partie essentielle du processus, qui doit permettre de rappeler aux parties en présence qu'elles ont le devoir de protéger les populations civiles et qui doit les aider à décider où agir et quelle mesure adopter. Mais pour le moment, rien de tel ne se passe".
Parmi les 18 pays en conflit étudiés dans le rapport Oxfam et où la question de la protection est la plus problématique, seuls 10 d'entres eux ont été mis à l'ordre du jour par le Conseil de sécurité. En 2010, le Conseil de sécurité n'a adopté aucunerésolution, ni même abordé le sujet des conflits armés en Colombie, au Myanmar, aux Philippines ou encore au Yémen. Il n'a pas non plus été en mesure d'organiser une discussion régionale cohérente qui aurait traité simultanément de l'ensemble des zones où la LRA (Armée de Résistance du Seigneur) sévit.
De multiples moyens de protéger les civils
Médiation et missions diplomatiques, embargos sur les armes ou le commerce, sanctions, mise en place de juridictions, missions de maintien de la paix ou autorisation du recours à la force... Le Conseil de sécurité de l'ONU dispose de multiples outils pour prévenir et limiter les violences faites aux civiles en terrain de conflit.
"Il n'existe pas de recette miracle pour protéger les civils en zone de conflit. Mais la détresse de ces populations, qu'elles soient blessées, déplacées ou violées, mérite l'attention de la communauté internationale, quelque soit le pays concerné. Nous nous devons d'être cohérents. C'est tout le sens du droit international humanitaire et du principe de protection des populations civiles", explique Surendrini Wijeyaratne du bureau d'Oxfam à New York.
Le rapport demande également à l'ONU ainsi qu'aux Etats, aux différentes organisations régionales, aux parties en conflit ou ONG de travailler de concert pour que davantage d'informations concernant les menaces faites aux populations civiles en zones de conflit soient mises à la disposition du Conseil de sécurité des Nations unies. Une initiative qui permettrait d'apporter des réponses plus adaptées.
En savoir plus
Lire le rapport : Protection des civils en 2010
Agir : Soutener l'appel pour aider les familles d'Afrique centrale à vivre en sécurité
Notes aux rédactions
- Les dix-huit pays étudiés dans ce rapport ont été sélectionnés sur plusieurs critères : les conflits en cours et les potentielles violations des droits de l'Homme, leur présence dans les bases de données et rapports sur les conflits - en particulier ceux du Project Ploughshares, du Stockholm International Peace Research Institute et du Uppsala Conflict Data Programme - et leur importance dans les débats du Conseil de sécurité et des résolutions au cours des années 2008-10. Une attention très particulière a également été accordée à la menace transfrontalière posée par l'Armée de résistance du Seigneur (LRA). Les dix-huit pays choisis sont : l'Afghanistan, la République centrafricaine, le Tchad, la Colombie, la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo, l'Irak, l'Inde, le Kirghizistan, la Birmanie, le Territoire palestinien occupé et Israël, le Pakistan, les Philippines, la Somalie, le Soudan, la Thaïlande, la Turquie et le Yémen.
- "L'inclusion dans l'ordre du jour" est définie par les références faites dans les résolutions du Conseil de sécurité ou au cours des déclarations présidentielles du Conseil de sécurité ou encore en fonction des débats formels programmés par le Conseil de sécurité, ou des rapports du Secrétaire général remis au Conseil).
Données
- Parmi les 26 résolutions adoptées en 2010 sur les pays étudiés, seules dix mentionnaient la question de la protection des civils dans leurs paragraphes opérationnels. Trois concernaient la Côte d'Ivoire, et deux le Soudan et la RDC. Des résolutions sur l'Afghanistan, le Tchad, la Somalie ou la République centrafricaine faisaient également mention de tels engagements. Ce qui n'a été le cas d'aucune des quatre résolutions sur l'Irak.
- En 2009, 15 000 viols avaient été recensés en RDC. Cette tendance s'est poursuivie avec 7 685 nouveaux cas identifiés à la mi-2010.
- En Colombie, plus de 280 000 personnes ont été déplacées en 2010, confirmant un peu plus la tendance des deux années précédentes.
Contact
- Louis Belanger : +1 917 224 0834 ou louis.belanger@oxfaminternational.org
- Mathilde Magnier : +33 1 77 35 76 00 ou mmagnier@oxfamfrance.org
- Les dix-huit pays étudiés dans ce rapport ont été sélectionnés sur plusieurs critères : les conflits en cours et les potentielles violations des droits de l'Homme, leur présence dans les bases de données et rapports sur les conflits - en particulier ceux du Project Ploughshares, du Stockholm International Peace Research Institute et du Uppsala Conflict Data Programme - et leur importance dans les débats du Conseil de sécurité et des résolutions au cours des années 2008-10. Une attention très particulière a également été accordée à la menace transfrontalière posée par l'Armée de résistance du Seigneur (LRA). Les dix-huit pays choisis sont : l'Afghanistan, la République centrafricaine, le Tchad, la Colombie, la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo, l'Irak, l'Inde, le Kirghizistan, la Birmanie, le Territoire palestinien occupé et Israël, le Pakistan, les Philippines, la Somalie, le Soudan, la Thaïlande, la Turquie et le Yémen.
- "L'inclusion dans l'ordre du jour" est définie par les références faites dans les résolutions du Conseil de sécurité ou au cours des déclarations présidentielles du Conseil de sécurité ou encore en fonction des débats formels programmés par le Conseil de sécurité, ou des rapports du Secrétaire général remis au Conseil).
Données
- Parmi les 26 résolutions adoptées en 2010 sur les pays étudiés, seules dix mentionnaient la question de la protection des civils dans leurs paragraphes opérationnels. Trois concernaient la Côte d'Ivoire, et deux le Soudan et la RDC. Des résolutions sur l'Afghanistan, le Tchad, la Somalie ou la République centrafricaine faisaient également mention de tels engagements. Ce qui n'a été le cas d'aucune des quatre résolutions sur l'Irak.
- En 2009, 15 000 viols avaient été recensés en RDC. Cette tendance s'est poursuivie avec 7 685 nouveaux cas identifiés à la mi-2010.
- En Colombie, plus de 280 000 personnes ont été déplacées en 2010, confirmant un peu plus la tendance des deux années précédentes.
- Louis Belanger : +1 917 224 0834 ou louis.belanger@oxfaminternational.org
- Mathilde Magnier : +33 1 77 35 76 00 ou mmagnier@oxfamfrance.org