Selon les principales organisations humanitaires, l'arrivée de nouveaux soldats en Afghanistan pourrait affecter davantage la population si les forces militaires internationales ne font pas de la sécurité des civils la priorité de leurs opérations.Alors que l’OTAN célèbre son 60ème anniversaire, 11 organisations de solidarité internationale, dont Oxfam International, CARE, ActionAid et Save The Children UK, publient un nouveau rapport, intitulé « Prisonniers de la guerre », selon lequel les forces militaires internationales, dont celles de l’OTAN, doivent changer radicalement les modalités d’opération de leurs soldats en Afghanistan.En 2008, 2 100 civils ont trouvé la mort, soit 30% de plus que l’année précédente. Bien que 55% des décès civils soient imputables aux activités des milices, l’augmentation de 70% du nombre de victimes (au nombre de 552) causées par les frappes aériennes des forces progouvernementales, soulève de sérieuses inquiétudes.Matt Waldman, Responsable politique d'Oxfam International, déclare : « Le renfort en troupes ne permettra pas d’améliorer le niveau général de sécurité et de stabilité tant que celles-ci ne mettront pas la protection des civils afghans au c œur de leurs priorités.»« Malgré les mesures prises pour minimiser les pertes civiles, ainsi que des appels répétés à la modération, un recours excessif à la force est à l’origine de morts et de destructions matérielles dans trop d’opérations militaires des troupes étrangères. Cela alimente la colère, la peur et le ressentiment parmi les Afghans, tout en érodant petit à petit le soutien dont bénéficie la présence internationale. »Les ONG demandent aux forces militaires présentes en Afghanistan, dont celles de l’OTAN, de s’engager davantage à réduire le nombre de victimes civiles, en durcissant par exemple les règles concernant les frappes aériennes, en limitant le recours à la force lors des raids nocturnes, et en exerçant une surveillance rigoureuse des opérations des forces spéciales.D’après le rapport, malgré une augmentation du nombre de victimes civiles, aucun système uniformisé d’enquête et de compensation n’existe en faveur des civils afghans désireux d’être indemnisés pour les incidents ayant causé des décès, des blessures ou la dégradation de leurs biens au cours d’opérations militaires.Dave Hampson, le directeur de Save the Children UK en Afghanistan , affirme : «Les systèmes de compensation des civils sont insuffisants, fragmentés et inaccessibles pour la plupart d’entre eux. Un système national unifié est nécessaire pour garantir qu’en cas de préjudices causés aux civils au cours du conflit, une enquête en bonne et due forme ait lieu, engageant la responsabilité des parties et permettant aux victimes d’obtenir réparation. »Les agences d’aide ont également critiqué les deux programmes récemment mis en place dans le pays. Elles déclarent que les nouvelles initiatives communautaires de défense et de renforcement des tribus – le programme afghan d’assistance sociale (ASOP) et la force de protection publique afghane (APPF) – sont susceptibles de mettre la vie des civils en danger. Le programme afghan d’assistance sociale (ASOP) établit des conseils de district, dont l’un des rôles est de diffuser des informations à propos des activités des milices. La force de protection publique afghane (APPF) crée et arme des milices locales.Lex Kassenberg, Directeur de CARE en Afghanistan ajoute : « Le programme afghan d’assistance sociale et la force de protection publique afghane font diversion aux dépens des réformes de sécurité et de gouvernance cruciales. Actuellement, en moyenne cinq Afghans sont exécutés chaque semaine par des insurgés, à cause de leurs liens avec le Gouvernement. Dans un tel contexte, ces programmes font courir encore davantage de risques aux Afghans. »Les organisations signataires demandent l’abandon de l’initiative de l’APPF ainsi que la suspension et la révision de l’ASOP.Les militaires ont développé et mettent eux-mêmes en œuvre des programmes "humanitaires" et d'assistance tr ès élaborés dans le cadre de leur stratégie de lutte contre-insurrectionnelle. Selon le rapport, certains se déplacent même dans des véhicules blancs non marqués, dont l’usage est par convention réservé aux Nations unies et aux agences d’aide. Cela affaiblit la distinction entre militaires et travailleurs humanitaires : la perception d’indépendance et d’impartialité des organisations d’aide au sein de la population est mise à mal par de telles pratiques, qui intensifient les risques encourus par les travailleurs humanitaires, et réduisent les zones dans lesquelles ils peuvent travailler en sécurité.Selon les organisations, la poursuite du détournement de l’assistance humanitaire et de développement à des fins militaires pourrait également ébranler la stabilité à long terme.Les agences indiquent que les équipes de reconstruction provinciales (PRT : les équipes de sécurité et de reconstruction sous direction militaire) continuent de bénéficier de financements massifs : le budget annuel des PRT pour les Etats-Unis – plus de 200 millions de dollars – dépasse les budgets nationaux de l’Afghanistan pour la santé et l‘éducation. Les organisations recommandent donc un abandon progressif de l’aide militaire et une augmentation substantielle des financements humanitaires et de développement en faveur des institutions et organisations civiles.Gyan Bahadur Adhikari, le directeur d’ActionAid en Afghanistan, conclut : « Jusqu’à maintenant, l’approche de la sécurité et de la reconstruction en Afghanistan s’est avérée fragmentaire et insuffisante – il n’y a pas de stratégie générale pour l’Afghanistan. Mais la conception de n’importe quelle nouvelle stratégie doit accepter que des solutions purement militaires ne peuvent apporter la paix et la stabilité en Afghanistan. »
Malgré les mesures prises, un recours excessif à la force est à l’origine de morts et de destructions dans trop d’opérations des troupes étrangères.
Matt Waldman
Responsable politique, Oxfam International