Le bilan annuel des femmes et des enfants tué·es par Israël à Gaza dépasse celui de tous les autres conflits récents, alerte Oxfam

Publié: 30th septembre 2024

À Gaza, les bombes israéliennes frappent des infrastructures civiles comme les écoles, les hôpitaux et les points de distributions d’aide toutes les trois heures. 

Une nouvelle étude d’Oxfam révèle que plus de femmes et d’enfants ont été tué·es par l’armée israélienne en un an de guerre à Gaza que durant la période équivalente de n’importe quel autre conflit survenu ces vingt dernières années.  

Alors que les hostilités et les pertes humaines terribles gagnent le Liban et la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est), l’escalade du conflit en guerre régionale rappelle à quel point il est urgent d’appeler à un cessez-le-feu immédiat et permanent. 

D’après des estimations prudentes, plus de 6 000 femmes et 11 000 enfants ont été tué·es par l’armée israélienne à Gaza au cours des douze derniers mois. Selon les données publiées par l’institut de recherche indépendant Small Arms Survey, le plus grand nombre de femmes et d’enfants tué·es en une période d’un an était de 2 600, recensé en Irak en 2016. 

« Ce bilan vertigineux est glaçant et bouleversant. Non seulement les pays influents de la communauté internationale n’ont pas demandé de comptes à Israël, mais ils se rendent aussi complices en poursuivant leur soutien armé inconditionnel. Il faudra plusieurs décennies pour que Gaza se remette des conséquences dévastatrices de cette guerre et il n’y a toujours pas de cessez-le-feu en vue."

Sally Abi Khalil, directrice d’Oxfam pour la région Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA)
Oxfam

Un rapport publié par l’organisation Every Casualty Counts a analysé les informations relatives au bilan de 11 000 enfants tué·es en Syrie durant les trente premiers mois du conflit, ce qui représente une moyenne de 4 700 décès par an. D’après les rapports des Nations unies sur le sort des enfants en temps de conflits armés des 18 dernières années, aucun autre conflit n’a été aussi meurtrier pour les enfants sur une période d’un an.  

L’offensive militaire israélienne a commencé en octobre dernier à la suite des attaques du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens. Près de 1 200 Israélien·nes et ressortissant·es étranger/ères ont été tué·es. Parmi les victimes figurent au moins 282 femmes et 36 enfants, ce qui fait du 7 octobre la journée la plus meurtrière de l’histoire d'Israël. Ces attaques ciblées constituent une violation grave du droit international humanitaire (DIH). Plus de 250 personnes, notamment 38 enfants, ont été prises en otage. 96 d’entre elles seraient toujours détenues à Gaza. 

D’après des données indépendantes fournies par l’organisation Action on Armed Violence, à la date du 23 septembre 2024, Israël a bombardé des infrastructures civiles de Gaza toutes les trois heures. Excepté durant la trêve humanitaire de six jours instaurée en novembre, la Bande de Gaza n’a connu que deux jours exempts de bombardements depuis le 7 octobre 2023.  

D’après les rapports, qui ne sont pas exhaustifs, les bombes israéliennes touchaient en moyenne : 

  • Des maisons chaque quatre heures 
  • Des tentes et des abris temporaires chaque 17 heures 
  • Des écoles et des hôpitaux tous les quatre jours 
  • Des points de distribution d’aide et des entrepôts tous les quinze jours 

Au cours de l’année dernière, Israël a commis des violations du droit international humanitaire d’une gravité telle qu’elles risquent de constituer des crimes contre l’humanité. Il a notamment fait preuve d’un usage disproportionné de la force dans ses objectifs militaires, comme en témoigne l’ampleur des destructions. En outre, il n’a pas fait de distinction entre les cibles militaires et la population civile. L’armée israélienne a attaqué sans relâche des infrastructures indispensables à la survie de la population civile. Celle-ci a été déplacée de force des dizaines de fois et contrainte de se rendre dans des prétendues « zones sécurisées » qui ont été régulièrement bombardées ou assiégées et dans lesquelles les obligations humanitaires n’étaient pas respectées.  

Les rapports de l’ONU sur les enfants et les conflits armés mettent l’accent sur le nombre d’enfants palestinien·ens tué·es à Gaza et en Cisjordanie. Le bilan annuel des enfants tué·es à Gaza est cinq fois supérieur à celui des enfants tué·es à Gaza et en Cisjordanie entre 2005 et 2022. 

Le nombre record de femmes et d’enfants tué·es à Gaza n’inclut pas les quelque 20 000 personnes non identifiées, portées disparues, ou ensevelies sous les décombres. Il y a quelques mois, une étude du journal The Lancet indiquait que le nombre réel de décès survenus à Gaza pourrait être supérieur à 186 000 si les décès indirects, notamment dus à la famine et au manque de soins de santé, étaient pris en compte. 

Les infrastructures civiles, notamment 68 % des terres agricoles et des routes, ont été soit détruites, soit sévèrement endommagées. Seuls 17 des 36 hôpitaux de la Bande de Gaza sont partiellement fonctionnels, tous sont confrontés à une pénurie de carburant, de matériel médical et d’eau propre. 

Sally Abi Khalil, directrice d’Oxfam pour la région Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA), déclare : « Ce bilan vertigineux est glaçant et bouleversant. Non seulement les pays influents de la communauté internationale n’ont pas demandé de comptes à Israël, mais ils se rendent aussi complices en poursuivant leur soutien armé inconditionnel. Il faudra plusieurs décennies pour que Gaza se remette des conséquences dévastatrices de cette guerre et il n’y a toujours pas de cessez-le-feu en vue. 

 Les enfants aussi ont été profondément traumatisé·es. Plus de 25 000 enfants ont perdu un parent ou sont devenus orphelins et sont confronté·es à une profonde souffrance psychologique. La plupart des enfants présentent des troubles d’anxiété et des blessures physiques graves et plusieurs ont été amputés..” 

Dr Umaiyeh Khammash, directreur de Juzoor
Juzoor

« Nos collègues et nos partenaires sont eux-mêmes déplacé·es. Pourtant, chaque jour, ces personnes font tout leur possible pour apporter une réponse à la catastrophe humanitaire. Ce qui se passe est sans précédent à tellement d’égards : la flambée de la famine, la résurgence de la polio, la dévastation totale de la vie quotidienne de toute la population. L’impunité d'Israël et son non-respect du droit humanitaire international doivent cesser, nous ne pouvons permettre que les horreurs et les souffrances se poursuivent ». 

Umaiyeh Khammash, directreur de Juzoor, une organisation partenaire qui aide des centaines de milliers de personnes dans plus de 90 abris et centres de santé de la Bande de Gaza, raconte : « L’année écoulée a eu des conséquences dévastatrices sur les femmes qui sont doublement touchées par la guerre. Nombre d’entre elles ont dû subvenir aux besoins de leur famille du jour au lendemain et jongler entre leur survie et leurs responsabilités en matière de soins alors que les destructions se poursuivent. Les femmes enceintes et qui allaitent ont été confrontées à des difficultés incommensurables, notamment dues à l’effondrement des services de santé. 

« Les enfants aussi ont été profondément traumatisé·es. Plus de 25 000 enfants ont perdu un parent ou sont devenus orphelins et sont confronté·es à une profonde souffrance psychologique. La plupart des enfants présentent des troubles d’anxiété et des blessures physiques graves et plusieurs ont été amputés. » 

En Cisjordanie occupée, du fait de l’intensification sans précédent du conflit et des violences, il existe un risque sérieux de violations graves du droit international et de crimes de guerre. Depuis octobre 2023, plus de 680 Palestinien·nes ont été tué·es soit par l’armée israélienne, soit par les colons. Plus d’un millier d’attaques de colons sur des Palestinien·nes ont été recensées. Les attaques directes des terres agricoles ont entraîné la destruction des récoltes, des systèmes d’irrigation et des serres. Ces attaques concernent aussi des installations et des projets financés ou soutenus par Oxfam et d’autres organisations internationales. L’armée israélienne a démoli de force plus de 2 000 maisons palestiniennes et causé des dommages considérables aux infrastructures publiques comme les routes.  

Oxfam appelle à un cessez-le-feu immédiat et permanent, à la libération de l’ensemble des otages et des Palestin·niens détenu·es illégalement, à la suspension des ventes d’armes mortelles à Israël et à l’accès à l’aide humanitaire dans la totalité de la Bande de Gaza. Au vu de l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice, si les États tiers ne souhaitent pas devenir complices, ils doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre fin immédiatement à l’occupation israélienne illégale de la Cisjordanie, démanteler les colonies israéliennes en Cisjordanie et veiller au versement de réparations aux communautés touchées, notamment à des fins de restitution, de réadaptation ou d’indemnisation. 
 

Notes aux rédactions

  • Les données sont disponibles pour les journalistes qui souhaitent les consulter. 
  • Le nombre de décès de femmes directement dus à des conflits provient de la base de données Small Arms Survey Global Violent Deaths qui regroupe les dernières données disponibles pour la période allant de 2004 à 2021. Elle fournit des données et des estimations sur les décès directs dus aux conflits, ventilés par sexe. Précédemment, le nombre le plus élevé de femmes tuées dans une situation de conflit sur une période d’un an était de 2 647 décès, recensé en Irak en 2016. Même en tenant compte des sous-estimations relatives au nombre de femmes tuées dans les autres conflits, le bilan à Gaza est largement supérieur. Ces chiffres ont été comparés à ceux du rapport d'impact cumulé du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) du 25 septembre, provenant du ministère de la Santé de Gaza. Sur les 41 495 personnes tuées, 34 344 étaient identifiées à la date du 31 août. 6 297 parmi elles étaient des femmes et 11 355 des enfants. Le ministère ne fait pas de distinction entre les décès de civil·es et de combattants. 
  • Un rapport publié par l'organisation Every Casualty Counts a examiné les informations disponibles sur la mort de 11 420 enfants dans la guerre en Syrie entre mars 2011 et fin août 2013 (environ 29 mois), ce qui représente une moyenne de 394 enfants par mois, soit 4 725 enfants par an. 
  • Les rapports sur les enfants et les conflits armés publiés par le Secrétaire général des Nations unies ont commencé à signaler des violations récurrentes et graves commises à l'encontre des enfants en 2006, sur la base de données annuelles de l'année précédente. Les rapports des Nations unies contiennent à la fois des estimations et des chiffres vérifiés concernant le nombre d'enfants tué·es chaque année. Toutefois, même lorsqu’Oxfam a pris en compte les hypothèses les plus extrêmes pour chaque estimation et vérifié des sources de données supplémentaires, le nombre d'enfants tué·es à ce jour à Gaza dépasse de loin le nombre d'enfants tué·es en un an dans tous les autres conflits. Ces chiffres ont été comparés à ceux du rapport de l’OCHA. 
  • Selon les rapports des Nations unies sur les enfants et les conflits armés, le nombre total d'enfants tué·es à Gaza et en Cisjordanie entre 2005 et 2022 s'élève à 2 304. 11 355 enfants ont été tués depuis le début de l’année, ce bilan est 4,9 supérieur à celui du rapport de l’OCHA. 
  • Il existe peu de données sûres sur le nombre de femmes et d'enfants dont le décès a été directement causé par la guerre civile du Tigré (novembre 2020 - novembre 2022) dans le nord de l'Éthiopie. Si le rapport de Small Arms Survey fait état de quelques femmes tuées en Éthiopie, les données les plus référencées proviennent de l’Université de Ghent qui estime entre 300 000 et 600 000 le nombre de civil·es tué·es sur une période de deux ans. Parmi les 3 074 décès dûment documentés, 8 % étaient des femmes et 9 % des enfants (âgé·es de moins de 20 ans). D’après les estimations de l’étude, 10% des décès totaux étaient dus à des bombardements et à des massacres, 30 % au manque de soins de santé et 60 % à la famine. 
  • Human Rights Watch a publié une analyse des attaques du 7 octobre 2023 et le journal Times of Israel a fourni des sources pour étayer le nombre d’enfants israélien·nes détenu·es en otage. 
  • Action On Armed Violence (AOAV) compile, enquête et diffuse des preuves de violences armées contre les civil·es dans le monde entier. Les données recueillies entre le 7 octobre 2023 le 23 septembre 2024 (inclus) font état de 2 854 attaques israéliennes, notamment des frappes aériennes, de tirs de missiles et des bombardements de chars. La date, la description de l'événement, le nombre de victimes civiles, le lieu et d’autres informations ont été fournies. L'AOAV se base sur les rapports des médias anglophones pour ses recherches. D’après un rapport publié l’année dernière par AOAV, les médias anglophones sous-estiment le nombre de victimes causées par des incidents spécifiques liés à l'utilisation d'armes explosives et ne prennent en compte que près d'un tiers des décès civils réels dus à des armes explosives à Gaza.  
  • L’étude intitulée Counting the dead in Gaza: difficult but essential (Compter les morts à Gaza : une tâche difficile mais essentielle) publiée dans The Lancet en juillet analyse les décès indirects dus à la guerre à Gaza (uniquement disponible en anglais). 

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