Communiqué de presse du Réseau Action Climat (RAC) France et de ses associations membres
Lors du sommet de Copenhague, plusieurs pays industrialisés se sont engagés à soutenir les besoins urgents d’adaptation et de réduction des émissions des pays en développement à hauteur de 30 milliards de dollars sur la période 2010-2012. Au sein de ces financements dits « précoces », l’Union européenne s’est engagée aux côtés de ses Etats membres sur une contribution de 7,2 milliards d’euros.
Elle a présenté aujourd’hui à Bonn, où se tient la première session de négociations sur le fond depuis Copenhague, un premier état des lieux sur ces financements.
Mais le RAC-France et ses associations membres regrettent vivement l’absence de clarté de ce pré-rapport à la fois sur les sources et sur l’utilisation qui sera faite de ces financements.
« Ce manque de transparence sur les financements précoces risque d’ébranler une confiance pourtant déjà fragile entre les pays industrialisés et les pays en développement. Confiance qui reste pourtant la condition indispensable à la relance des négociations » constate Elise Buckle du WWF France.
Derrière cette opacité se profile le risque de double comptabilisation des financements en tant qu’aide publique au développement et financement pour le climat. Selon Karine Gavand de Greenpeace France : « la plupart des Etats membres de l’Union européenne entendent purement et simplement recycler leur aide publique au développement en financements pour le climat. Et bien entendu, ils ne souhaitent pas que ce tour de passe passe soit révélé au grand jour ».
En effet, les leaders européens insistent sur le caractère « additionnel » des 7,2 milliards d’euros. Mais chacun adosse derrière ce mot sa propre définition. Or, l’important est de dégager de nouveaux financements, en plus de ceux promis en matière d’aide publique au développement, afin de répondre au défi du changement climatique qui impose une charge supplémentaire aux pays en développement. Double compter les financements pourrait occulter le fait qu’aucun argent nouveau n’a été mis sur la table.
En outre, le pré-rapport de l’Union européenne ne détaille pas la répartition qui sera faite de ces financements entre les projets de réduction des émissions et d’adaptation dans les pays en développement. Romain Benicchio d‘Oxfam souligne ainsi : « aider les plus pauvres à s’adapter aux impacts du changement climatique et à adopter un modèle de développement sobre en carbone sont deux engagements d’égale importance. Malheureusement, il semble que la majorité de l’argent sera dédiée à la réduction des émissions et que les pays émergents en seront les principaux bénéficiaires au détriment des pays les moins avancés ».
La frustration risque d’être d’autant plus grande que beaucoup de pays en développement particulièrement vulnérables se sont associés à l’accord de Copenhague essentiellement pour pouvoir bénéficier des financements précoces afin de répondre à leurs besoins urgents, en particulier pour l’adaptation.
Le rapport final de l’Union européenne sur l’utilisation des financements précoces est attendu d’ici la fin de l’année en amont de la conférence de Cancun. Il est essentiel que l’Union européenne et ses Etats membres soient honnêtes et transparents et qu’une analyse détaillée, pays par pays, soit disponible afin de garantir une utilisation coordonnée de ces financements.
Pour prendre de l’avance, le RAC-France, Coordination SUD et 17 de leurs associations membres ont envoyé début mai un questionnaire à l’Elysée comprenant 26 questions précises sur l’utilisation par la France des financements précoces.
Pour Morgane Créach du RAC-France : « si la France est exemplaire dans l’utilisation de ses 420 millions d’euros de financements précoces, elle pourra répondre sans problème à ce questionnaire et servir de modèle au niveau européen en matière de transparence. Malheureusement, alors que nous avions demandé des réponses d’ici fin mai, c’est silence radio du côté de l’Elysée qui n’a même pas accusé réception de notre demande… ».
Toutefois, sur les 420 millions d’euros promis par la France, il apparaît que pour 2010 seuls 50 millions d’euros destinés à la forêt seront de l’argent frais. En d’autres termes, 90% des financements pour cette année seront issus d’engagements déjà existants. Cela confirme le risque de recyclage de l’aide publique au développement en financement pour le climat. Dans le contexte actuel de baisse tendancielle des dons, les financements précoces de la France seront très probablement constitués de prêts, pourtant peu appropriés pour répondre aux besoins urgents d’adaptation des populations les plus vulnérables face au changement climatique.