Les bailleurs de fonds doivent bien évaluer les priorités dès le départ, demande un groupe d'organisations humanitaires
Alors que de nouvelles violences ont éclaté dans l'Etat de Jonglei, accroissant les besoins humanitaires, une coalition de 38 organisations humanitaires exhorte les bailleurs de fonds à ne pas gâcher l'opportunité qui leur est donnée d'améliorer la vie des populations du Soudan du Sud, le plus jeune pays au monde.
Les donateurs et les autorités du Soudan du Sud doivent se rencontrer au cours des mois à venir pour discuter des priorités de développement sur le territoire. Avec la moitié de la population sud soudanaise vivant sous le seuil de pauvreté, le pays est l'un des plus pauvres au monde. Après des décennies de guerre sanglante et brutale, quasiment tout doit y être construit.
Pour lutter contre la pauvreté, il est primordial que les pays donateurs établissent bien leurs priorités dès le départ, rappellent les ONG, dont Oxfam, Vision du Monde et South Sudan Law Society, dans un rapport conjoint. Le document met ainsi en exergue les points stratégiques sur lesquels les donateurs doivent travailler pour améliorer la vie du peuple sud soudanais.
"La guerre est terminée, la lutte pour l'indépendance a atteint son but mais le combat pour la paix, la sécurité et contre l'extrême pauvreté vient seulement de commencer. A l'heure actuelle, une jeune fille de 15 ans a plus de chances de mourir en couches que de finir l'école. Poussés par de nouvelles explosions de violences, les gens continuent de se déplacer et de fuir leurs foyers. Si l'excitation qui suit la naissance d'une nation est extrêmement forte, la désillusion pourrait être tout aussi importante en cas d'échec à apporter les changements nécessaires aux plus pauvres. Les donateurs doivent impérativement s'assurer dès le début que leurs politiques sont adaptées", explique Mary Kudla, responsable d'Oxfam au Soudan du Sud.
Le rapport interpelle les donateurs afin qu'ils continuent à déployer de l'aide d'urgence dans un pays où la situation continue d'être très volatile. Pour les ONG, les donateurs doivent également approfondir leur compréhension des dynamiques de conflits. Sur la première partie de l'année 2011, 2611 personnes ont été tuées au cours de violents affrontements. Les combats tribaux qui se sont déroulés dans l'Etat de Jonglei à la mi-août ont fait 340 morts au moins et contraint 26 800 personnes à partir, quand près de 275 000 autres avaient déjà été déplacées cette année pour cause de violences. Ce qui a fortement entravé la production agricole, pourtant très nécessaire dans le pays.
"Au Soudan du Sud, les besoins touchent à la fois des problématiques d'urgence, de réhabilitation et de développement. Le pays reste vulnérable aux catastrophes naturelles, comme les inondations ou la sécheresse, et n'est pas encore à l'abri des conflits. Comme les récents affrontements dans l'Etat du Jonglei le montrent, les gens ont encore besoin d'une aide d'urgence. Des financements humanitaires doivent être maintenus, tout autant qu'un soutien accru aux services de base, ainsi qu'à l'accès à la sécurité et la justice", estime Dong Samuel Luak, Secrétaire général de South Sudan law society.
Le rapport invite également les donateurs à renforcer les capacités de l'Etat au Soudan du Sud, de manière à ce que celui-ci puisse à terme fournir à la population une palette de services plus importante et de meilleure qualité, dont une sécurité efficace ou encore le respect de l'Etat de droit. Bâties sur des fondations très fragiles, les structures étatiques sont extrêmement faibles, surtout hors des grandes villes. Il faudra du temps au Soudan du Sud pour être totalement en mesure d'assurer le bon fonctionnement des services nécessaires, explique le rapport. D'autant plus que ce sont les ONG qui prennent actuellement en charge la majorité de la fourniture des services de base, comme la santé, l'éducation et de l'eau et l'assainissement. Il est essentiel que les bailleurs de fond continuent de financer ces services, tout en travaillant au renforcement des capacités du gouvernement pour qu'il soit en mesure de prendre le relais.
Les organisations ont également exhorté les donateurs à soutenir l'agriculture et les activités génératrices de revenus pour les communautés les plus pauvres. Actuellement, on estime que seules 4 % des terres arables sont cultivées. Les productions de bétail et de poisson représentent juste une fraction du potentiel. En outre, les exportations et les rapports commerciaux entre les différentes régions du Sud-Soudan sont minimes.
"En Equatoria de l'Ouest, les mangues pourrissent sur le sol alors que les commerçants importent du jus en provenance d'Ouganda. L'association des agriculteurs locaux veut acheter une machine à jus, mais ils n'ont pas l'argent. Le pays entier manque d'équipements et de technologies qui pourraient aider les agriculteurs à valoriser leurs produits. La farine de blé, la farine de maïs, le sucre ou l'huile de palme – dont les matières premières sont disponibles en abondance dans le pays - sont importés des pays voisins. Les bailleurs de fonds pourraient changer cet état de fait et développer le potentiel inexploité du Soudan du Sud," conclut Edwin Asante, directeur du programme de Vision du Monde au Soudan du Sud.
Le groupement d'ONG appelle enfin les donateurs et le gouvernement à œuvrer pour le renforcement des mécanismes de protection - comme le transfert d'argent pour ceux qui se trouvent en insécurité alimentaire-, afin d'aider les plus vulnérables dans le pays.
En savoir plus
Lire le rapport (en anglais) : Getting it Right from the Start: Priorities for Action in the New Republic of South Sudan
Notes aux rédactions
ONG signataires : Action contre la Faim, ACTED, ADRA South Sudan, American Refugee Committee, Association for Aid and Relief, Japan, AVSI, CARE, Caritas Luxembourg et Suisse, CHF International, Cordaid, DanChurchAid, Danish Refugee Council, GOAL Ireland, Handicap International, HealthNet TPO, Humane Development Council, International Aid Services, ICCO, International Medical Corps, International Rescue Committee, JEN, Malaria Consortium, Malteser International, Medair, Mennonite Central Committee, Mercy Corps, Merlin, Mission Aviation Fellowship International, Norwegian Refugee Council, Oxfam, Pact, Plan South Sudan, Population Services International, Relief International, Saferworld, Save the Children, South Sudan Law Society et Vision du Monde.
Contact
Mathilde Magnier (Oxfam France) : +33 1 77 35 76 00 / +33 6 43 85 82 97 / mmagnier@oxfamfrance.org
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