« Il est effrayant de penser qu’un jour, on ne rentrera pas à la maison en vie. »
Une femme sur trois subira des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie. Ces violences s’expliquent de plusieurs façons, mais les normes sociales néfastes qui contribuent aux inégalités entre les femmes et les hommes font partie des facteurs les plus importants et les plus systématiques.
Ces normes sont fondées sur des croyances et des attentes partagées concernant la façon de se comporter. Parmi celles-ci citons le droit, la domination et le contrôle des hommes sur le corps des femmes et des filles, ainsi que les rôles attribués de manière rigide à chaque genre, comme le montre une étude d’Oxfam réalisée dans 12 pays d’Afrique, d’Amérique latine et du Pacifique (en anglais uniquement).
Découvrez dix de ces normes sociales qui alimentent les violences faites aux femmes et aux filles.
1. Les femmes doivent être soumises aux membres masculins de leur famille dans tous les aspects de leur vie
La rigidité des rôles sexosociaux fait que l’on s’attend en général à ce que les femmes soient soumises aux membres de la famille de sexe masculin. Lorsqu’elles sont mariées, les femmes sont censées obéir à leur mari, se conformer à leurs souhaits et ne pas chercher à participer aux décisions sur un pied d’égalité. Si elles enfreignent ces normes, leur mari risque d’utiliser la violence pour les punir ou les discipliner.
Dans les îles Salomon, 49% des personnes interrogées étaient d’accord avec le fait qu’une bonne épouse doit obéir à son mari même s’il a tort.
2. Les hommes sont censés exercer un contrôle coercitif
Alors que l’on attend des femmes et des filles qu’elles fassent preuve de soumission, les hommes sont censés représenter l’autorité au sein de la famille et contrôler les relations, ce qui peut se manifester de différentes manières. Dans les relations amoureuses, la domination masculine peut se traduire par une surveillance du téléphone mobile et des comptes sur les réseaux sociaux.
Dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, notre étude a révélé que les jeunes hommes contrôlent étroitement l’utilisation des réseaux sociaux et du téléphone de leur compagne : 80% des jeunes ont affirmé que leurs amis masculins surveillent le téléphone de leur compagne.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, les violences faites aux femmes et aux filles constituent un problème grave et persistant. Par exemple, 1 831 femmes ont été tuées par un homme en 2016 et 14 pays sur les 25 affichant les taux de féminicides les plus élevés au monde se trouvent dans la région. Photo : Oxfam
3. Les hommes ont le droit de discipliner les femmes lorsqu’elles ne se comportent pas « convenablement »
Notre étude a révélé que les femmes et les hommes sont fermement convaincus que la violence est acceptable, voire nécessaire, lorsqu’elle permet aux hommes de discipliner les femmes qui ne s’acquittent pas des tâches perçues comme relevant de leur responsabilité ou ne respectent pas les normes sociales. L’enquête menée en Tunisie a révélé que le recours à la violence physique est considéré comme justifié lorsqu’une femme n’obéit pas à son mari.
Aux îles Salomon, parmi les personnes interrogées, 65% des femmes et 35 % des hommes étaient d’accord avec l’affirmation qu’« il est acceptable qu’un homme frappe sa femme si elle ne fait pas le ménage à son goût ».
4. Les femmes ne peuvent pas se refuser à leur compagnon
Dans les relations intimes, les choix des femmes et des filles concernant leur corps sont dominés et contrôlés par leur compagnon et la croyance que le corps de la femme devrait toujours être à la disposition de l’homme. Ces normes favorisent le viol conjugal et d’autres formes de maltraitances qui constituent la forme de violence faite aux femmes et aux filles la plus répandue.
En Tunisie, les jeunes affirment que les femmes doivent toujours être disposées à satisfaire les désirs sexuels de l’homme. Aux îles Salomon, 52% des hommes pensent qu’une femme a l’obligation d’avoir des rapports sexuels avec son mari, même si elle n’en a pas envie.
5. Le harcèlement sexuel est normal
Cette norme dominante du droit des hommes sur le corps des femmes contribue au harcèlement sexuel et à d’autres formes de violences sexuelles. « Je pense que tout découle du fait que les hommes nous considèrent comme des objets sexuels et comme un moyen de satisfaire leurs besoins sexuels. », estime ainsi une jeune femme en Colombie.
Ceci est clairement démontré par l’enquête réalisée dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, dans le cadre de laquelle 75% des jeunes ont affirmé que leurs amis masculins pensent que le harcèlement est normal.
Chaque année, 15 millions de filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. La plupart d’entre elles sont privées de leurs droits fondamentaux à la santé, à l’éducation, à la sécurité et à l’intégrité physique. Photo : Chris de Bode/Oxfam
6. Les femmes sont violentées en raison de leur tenue « provocante »
Dans les pays concernés par l’étude, il est fréquent de voir des communautés incriminer la conduite des femmes pour justifier le droit des hommes d’imposer des rapports sexuels et leur recours à la violence. Ce sont souvent les personnes subissant les violences qui sont stigmatisées, la faute étant rejetée sur la survivante.
Selon l’étude menée dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, sept jeunes hommes sur dix âgés de 15 à 19 ans ont attribué aux femmes la responsabilité des actes de violence qu’elles avaient subis en raison de leur tenue « provocante » ou du fait qu’elles étaient sorties la nuit.
7. Toutes les femmes doivent avoir des enfants
Les violences faites aux femmes et aux filles trouvent leur origine dans le déséquilibre patriarcal des pouvoirs entre les hommes et les femmes, ainsi que dans la croyance dominante que les hommes sont le chef de famille qui protège les membres de la famille et subvient à leurs besoins, tandis que les femmes doivent donner la priorité à la santé et au bien-être de leur famille. Après le mariage, le rôle le plus important des femmes est de servir leur mari et d’avoir et d’élever des enfants.
Dans l’étude réalisée dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes 79% des jeunes femmes pensaient que « toutes les femmes devraient être mères ». Cette croyance est si forte qu’une jeune Cubaine déclare : « Je pense que chaque femme est une mère, même si elle n’a pas d’enfants. »
8. Les filles ne comptent qu'en tant qu'épouses
La soumission attendue des filles peut conduire au mariage précoce, qui sert également à contrôler leur sexualité. Le corps des filles est souvent considéré comme un bien dont la valeur peut varier selon la perception qu’en a la collectivité et des notions comme « l’honneur » qui contribuent au mariage précoce. Au Nigeria, cela est résumé en ces termes : « on vaut plus en tant qu’épouse qu’en tant que fille. »
Plus de 700 millions de filles dans le monde ont été contraintes de se marier avant l’âge de 18 ans. Ces filles ont moins de chances d’aller à l’école, risquent plus de souffrir de problèmes de santé sexuelle et reproductive, et sont plus susceptibles de faire l’objet d’abus de la part de leur mari.
« Il faut briser le cercle de la violence. Dénoncer les monstres au sein du foyer. Il faut sensibiliser la nouvelle génération à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles. » Loretta Taika, des îles Salomon, se sert de l’art urbain pour dire : les violences faites aux femmes et aux filles, ça suffit ! Photo : Neil Nuia/Oxfam
9. L’hétérosexualité est la seule orientation sexuelle qui soit acceptable
La discrimination et la marginalisation font que certaines femmes et filles sont plus susceptibles de subir des violences. Il s’agit notamment des femmes et des filles handicapées, des femmes divorcées et des veuves, des professionnelles du sexe ainsi que des lesbiennes et des femmes transsexuelles.
Dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, il est ressorti de l’enquête que 73% des jeunes femmes et 67 % des jeunes hommes (âgé-e-s de 20 à 25 ans) pensent que leurs amis estiment que les lesbiennes ne doivent pas montrer leur orientation sexuelle en public.
10. Les femmes divorcées valent moins que les autres
Les femmes divorcées et les veuves sont confrontées à des formes particulières de violence en raison de croyances discriminatoires concernant le rôle et la valeur des femmes.
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’étude a mis en évidence la marginalisation des femmes divorcées et des veuves, dont on estime qu’elles valent moins puisqu’elles sont dépréciées par rapport à la valeur financière de leur dot. On considère en outre qu’elles sont la propriété de la belle-famille qui a versé la dot. Elles ne sont donc pas respectées dans leur famille et ne bénéficient d’aucune protection contre les violences.
Dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes 59% des jeunes femmes et hommes interrogés (âgés de 20 à 25 ans) pensent que l’absence d’autonomie financière est l’une des principales raisons pour lesquelles les femmes subissent des violences.
Cessons de penser que c'est normal
Chaque jour, partout dans le monde, des femmes et des filles sont confrontées à la violence. Nous pouvons changer les choses.
« Ça suffit ! », la campagne internationale d’Oxfam pour mettre fin aux violences faites aux femmes et aux filles, réunit des personnes de tous les genres, âges et horizons afin de changer cette « normalité ». Cette campagne vise à remettre en cause les normes sociales néfastes qui justifient les actes de maltraitance et à promouvoir celles qui favorisent l’égalité entre les genres et la non-violence.