Berhanu Beyene, un producteur de café à la voix douce de 45 ans, établi à Werka, dans le Yirgacheffe, affirme que ce qui est bon pour l'environnement est aussi bon pour les affaires. Selon lui, les sycomores géants et les nombreux autres arbres indigènes qui s'élèvent gracieusement au-dessus de sa plantation de café sont les gardiens des moyens de subsistance de sa famille.
Le meilleur café éthiopien est cultivé à l'ombre des arbres indigènes, ce qui permet aux cerises de café de rester hydratées jusqu'à ce qu'elles soient mûres. Sans l'ombre de ces arbres centenaires, les caféiers produiraient des fèves de qualité inférieure, au goût amer.
Berhanu sait bien que la protection de l'environnement apporte certains avantages. « L'une de nos plantations de café a perdu son ombre naturelle à cause de la déforestation et les fèves de cette plantation ne sont donc pas de la qualité escomptée », nous confie-t-il. « Notre syndicat coopératif refuse de vendre les fèves de moindre qualité sur le marché international spécialisé, alors nous les destinons à la consommation locale et nous en tirons moins de profit. »
Obtenir du soutient
Pour résoudre ce problème, Berhanu bénéficie du soutien technique d'experts du bureau agricole local, afin de replanter des arbres indigènes à coté de cette plantation. Le bureau agricole offre des plants d'arbres à Berhanu et aux autres producteurs de la région.
Alors que les rayons du soleil de la mi-journée brillent à travers les arbres et que les oiseaux chantent au loin, Berhanu affirme qu'il se sent au mieux lorsqu'il travaille sans relâche dans les plantations de café familiales. « Vous voyez, il n'y a pas que les plantations de café qui apprécient l'ombre », ajoute-t-il en riant, alors qu'il s'installe confortablement sous un sycomore géant. « Après une longue journée de travail, un peu de repos à l'ombre de ses arbres revigore mon âme.»
Parents de 12 enfants, Berhanu et sa femme Aster cultivent le café depuis 10 ans. Ils dépendent des revenus qu'ils gagnent en cultivant le café de renommée mondiale Yirgacheffe pour élever les huit enfants qui vivent toujours avec eux et qui poursuivent leur scolarité.
Berhanu et Aster étaient des nouveaux venus dans l'industrie du café lorsque, en 2001, le prix de cette denrée est tombé à son niveau le plus bas depuis 30 ans, et que la crise mondiale du café a frappé l'Éthiopie - le lieu de naissance du café. Plutôt que d'abandonner en désespoir de cause, Berhanu et sa famille étaient déterminés à surmonter ces obstacles et à sortir plus fort de cette épreuve. Oxfam Amérique était à leurs cotés en menant une campagne mondiale visant à mettre en lumière le sort des producteurs de café éthiopiens et d'interpeller les responsables politiques nationaux et internationaux, les gouvernements des pays consommateurs, les torréfacteurs internationaux et les consommateurs.
Le couple affirme avoir fait un long chemin depuis la crise du café, qui a menacé leur mode de vie et créé un choc pour l'économie nationale du café. Loin sont les jours où ils devaient vendre leurs maigres possessions afin de pouvoir se nourrir. « Nos conditions de vie se sont considérablement améliorées », confirme Aster. « En tant que mère, je rêve de choses encore meilleures pour ma famille, mais pour l'instant, j'ai l’esprit tranquille car je sais ma famille est bien nourrie, en bonne santé, et que mes enfants vont à l'école. »
Un nouveau partenariat
Il y a juste un peu plus d'un an, 238 producteurs de café de Werka ont uni leurs forces et formé une coopérative primaire, le Syndicat coopératif des cultivateurs de café de Yirgacheffe. Peu de temps après que Werka a joint le syndicat, le nombre d'adhérents est rapidement passé à 300, car la rumeur s'est répandue qu'Oxfam Amérique lançait un projet d'amélioration de la qualité du café, en finançant l'achat d'un poste de lavage écologique pour le café.
Comme extension naturelle de son travail de défense des producteurs de café éthiopiens et de sa campagne mondiale pour qu'ils gagnent de meilleurs salaires, Oxfam Amérique multiplie les investissements dans l'amélioration de la qualité du café, tout en se concentrant sur des méthodes écologiques de transformation du café. C'est l'un des moyens mis en œuvre par Oxfam Amérique pour aider les coopératives à produire un café de qualité supérieure et de générer des profits supplémentaires en vendant leurs fèves sur le marché international spécialisé. Le projet de Werka est l'un de trois projets de ce genre financés par Oxfam Amérique dans trois régions différentes de production du café en Éthiopie.
Assurer une prise de responsabilité
Le financement pour Werka, ainsi que celui des autres coopératives, est un prêt sur fonds de roulement, sans intérêt, d'un montant d'environ 150 000 dollars, à rembourser sur cinq ans afin d'être réinvesti dans d'autres coopératives, ce qui entraînera de biens plus hauts retours sur l'investissement initial du donateur. Financer les installations avec un emprunt rend les membres de la coopérative responsables du remboursement et renforce l'idée qu'ils sont les véritables propriétaires de l'investissement.
En utilisant une méthode de transformation du café écologique, les coopératives n'augmenteront pas seulement leurs revenus parce qu'elles vendront du café lavé mais elles confronteront aussi le problème de la pollution environnementale associée à la méthode traditionnelle de transformation du café. Avec cette dernière, la pulpe de café et le mucilage sont retirés de fèves et sont rejetés dans les ruisseaux et les étangs alentour, où ils se décomposent et dégradent la qualité de l'eau que les communautés locales utilisent pour leur consommation quotidienne. La méthode de transformation écologique diminue la quantité de déchets organiques issus du processus de lavage et réduit de 98,5% la quantité d'eau utilisée.
D'une pierre deux coups
Les membres de la coopérative de Werka attendent avec impatience la prochaine saison de récolte du café afin de pouvoir utiliser leur machine de lavage écologique nouvellement installée. Ils affirment qu'un tel équipement sur leur lieu de travail leur permettra de faire d'une pierre deux coups : augmenter leurs revenus en vendant du café lavé et préserver en même temps l'environnement qui leur est indispensable pour continuer à produire du café de haute qualité. Avec un investissement supplémentaire minimal, la pulpe et le mucilage accumulés, qui sont des dérivés organiques du café lavé, peuvent être transformés en bio-carburant, en engrais et en nourriture animale, ce qui pourra encore augmenter les revenus des producteurs de cafés. Oxfam Amérique envisage d'investir dans un projet pilote de ce type en 2008.
« Produire du café de qualité supérieure nous donnera la légitimité de demander un prix plus élevé sur le marché international », ajoute Berhanu, ses doigts bougeant avec agilité alors qu'il cueille des cerises de café mûres et les dépose dans son panier. « Ainsi, selon moi, le projet Werka représente la meilleure combinaison de solutions : gagner plus pour son dur labeur, tout en préservant l'environnement dont nous dépendons pour nos moyens de subsistance. »
- Doe-e Berhanu
Histoire originale: Oxfam Amérique
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