Lutte contre les inégalités : que fait votre pays pour réduire le fossé entre riches et pauvres ?

Setting up water points, Central African Republic - Covid-19 response

En République centrafricaine, la COVID-19 représente une crise sanitaire qui vient s'ajouter à une crise humanitaire déjà alarmante. Une personne sur deux a besoin d'aide humanitaire et environ 70% des services de santé sont fournis par des organisations humanitaires. Photo: Aurelie Godet/Oxfam

La pandémie de coronavirus frappe un monde déjà profondément marqué par les inégalités. Du fait de leur incapacité criante à les combattre, la majorité des pays se sont retrouvés beaucoup plus vulnérables aux impacts sanitaires et économiques de la maladie ; la plupart n’étaient pas du tout préparés.

Des millions de personnes ont perdu la vie ou ont basculé dans la faim et la pauvreté car les gouvernements n’ont pas assez investi dans la santé publique, protégé les droits des travailleuses et des travailleurs ou fourni des filets de sécurité aux personnes privées d’emploi.

Les femmes, qui ont généralement des salaires moins élevés, font moins d’économies et occupent des emplois précaires, ont été particulièrement touchées par les mesures de confinement mises en place en réponse à la pandémie, tandis que le travail de soin non rémunéré et les violences fondées sur le genre ont augmenté de façon spectaculaire.

Des pays classés en fonction de leurs politiques de réduction des inégalités

L’indice de l’Engagement à la réduction des inégalités (ERI) classe 158 États en fonction de leurs politiques en matière de services publics, de fiscalité et de droits de la main d’œuvre, trois domaines essentiels pour réduire les inégalités et résister à la crise du coronavirus.

L’indice souligne qu’aucun pays au monde n’en faisait assez pour lutter contre les inégalités avant la pandémie de COVID-19. Il montre que seuls 26 pays sur 158 consacraient la part recommandée de 15 % de leur budget à la santé. Par ailleurs, dans 103 pays, au moins un-e travailleur/travailleuse sur trois ne bénéficiait pas de droits fondamentaux ou de protections en matière de travail, tels que des congés de maladie payés.

Cette inaction contribue à alimenter la crise et accroît la vulnérabilité des personnes vivant dans la pauvreté, en particulier les femmes.

Les bons élèves

La plupart des pays occupant les premières places de l’indice sont des pays de l’OCDE. Forts d’un produit intérieur brut supérieur, ils bénéficient d’une marge de manœuvre bien plus grande pour augmenter les recettes de l’impôt progressif. Ils sont donc plus en capacité de consacrer ces recettes aux services publics et à la protection sociale.

Toutefois, même les pays en tête du classement pourraient faire beaucoup mieux, d’autant que bon nombre d’entre eux sont depuis des décennies en retard sur leurs engagements historiques à adopter des politiques susceptibles de réduire les inégalités.

Norvège

La Norvège occupe la première place de l’indice en obtenant notamment le meilleur score en matière de droits du travail. Le pays affiche le sixième plus faible niveau d’inégalités dans le monde, mais a considérablement baissé ses taux maximum d’imposition sur les revenus des particuliers et des sociétés depuis 2000, si bien que la fiscalité joue désormais un moindre rôle dans la réduction des inégalités. Les inégalités et la pauvreté ont augmenté dans l’ensemble au cours de la dernière décennie et 15 pays de l’OCDE se classent mieux que la Norvège en matière d’inégalités de richesses.

Danemark

Depuis une vingtaine d’années, les gouvernements successifs du Danemark soutiennent des politiques fiscales ayant pour effet d’accroître les inégalités, remettant en cause les niveaux d’inégalités historiquement bas au sein de la population7. Depuis 2010, la croissance des revenus stagne pour les 40 % ayant les revenus les plus bas, tandis que les 10 % les plus riches détiennent désormais près de la moitié de la richesse totale du pays. On s’attend toutefois à ce que le nouveau gouvernement danois, élu en 2019, inverse certaines de ces tendances négatives.

D’autres pays ne s’en sortent pas aussi bien dans l’indice global, mais prennent clairement des mesures pour réduire les inégalités, malgré leurs revenus relativement faibles.

Sierra Leone

La Sierra Leone a renforcé son engagement à rendre l’éducation secondaire gratuite en augmentant ses dépenses pour l’éducation cette année. L’État sévit contre l’évasion fiscale des sociétés minières et a introduit un impôt foncier dans la capitale, Freetown. Il a également relevé le salaire minimum, même si celui-ci ne concerne qu’une petite proportion de la main-d’œuvre formelle.

Vietnam

Depuis l’indice ERI 2018, le Vietnam a augmenté ses dépenses de santé mais le pays doit faire encore mieux pour réduire les inégalités en matière de santé. Le recouvrement de l’impôt au Vietnam est solide, mais il serait possible d’en faire plus pour éliminer les incitations fiscales à destination des grandes entreprises. Son score pour les droits du travail reste faible, mais pourrait grimper dans les prochains indices ERI pour peu que le pays applique le récent accord autorisant les travailleurs et les travailleuses à former leurs propres syndicats indépendants.

Dans le quartier de Mukuru, à Nairobi, au Kenya, des membres de l'organisation Mukuru Youth Initiative, partenaire d'Oxfam, réalisent une peinture murale sur l'importance de la distanciation sociale.

Le Kenya, auparavant très bien classé (9ème rang) en matière de politiques fiscales progressistes, a réagi à la crise en réduisant les impôts des plus riches et des grandes entreprises et en accordant un financement supplémentaire négligeable pour la protection sociale et les mesures de santé.

Près de deux millions de personnes ont perdu leur emploi au Kenya. Des dizaines de milliers de personnes vivant dans les bidonvilles de Nairobi et à la campagne n’ont reçu pratiquement aucune aide du gouvernement et ont maintenant du mal à se nourrir.

Photo: Jaric Mwambela/Mukuru Youth Initiative

Le bas du classement

Ces pays sont terriblement mal équipés pour faire face à la pandémie de COVID-19 en raison du très faible niveau de leurs dépenses en santé publique, de la faiblesse de leurs filets de sécurité sociale et de droits du travail insuffisants.

Soudan du Sud

La lanterne rouge de l’indice est le Soudan du Sud, inclus tout récemment et qui se classe dans les dernières places dans les trois piliers. Ce mauvais classement reflète l’incapacité du gouvernement à définir des politiques favorables à ses citoyen-ne-s : par exemple, le Soudan du Sud dépense six fois plus pour le secteur militaire et le remboursement de la dette que pour les services publics vitaux et ne perçoit qu’environ 15 % des impôts dus. Cela empêche la prestation des services les plus élémentaires : moins d’un tiers de la population a accès aux services de santé essentiels.

Nigeria

Le Nigeria arrive avant-dernier de l’indice, juste avant le Soudan du Sud. Le recouvrement de l’impôt au Nigeria reste à un niveau scandaleusement faible, si bien que le pays obtient également des scores très faibles en matière de services publics ; il est donc à peine surprenant qu’un enfant déscolarisé sur cinq dans le monde vit au Nigeria. Pendant la crise du coronavirus, frappé par un effondrement des recettes issues du pétrole, l’État a divisé par deux ses budgets de la santé et de l’éducation.

Si la COVID-19 a servi de signal d’alarme pour certains pays, d’autres n’ont pas agi, avec des conséquences désastreuses.

Etats-Unis

Les États-Unis se classent au dernier rang des pays riches du G7 et sont à la traîne de 17 pays à faible revenu comme la Sierra Leone et le Libéria en matière de droit du travail en raison de leurs politiques antisyndicales et d’un salaire minimum moyen très bas. Les résultats de l’indice ERI renforcent les préoccupations plus générales d’Oxfam, qui craint que la pandémie n’aboutisse à un système de santé qui exclut des millions de personnes vivant dans la pauvreté, principalement les communautés afro-américaines et latines au sens large – par exemple, seul un foyer noir sur dix dispose d’une assurance maladie, contre sept foyers blancs sur dix.

Inde

L’Inde, qui connaît actuellement l’épidémie de COVID-19 à la croissance la plus rapide au monde, comptait parmi les pays les moins performants dans la lutte contre les inégalités au début de la pandémie. Le budget consacré à la santé est le quatrième le plus faible au monde, et seule la moitié de la population a accès à des services de santé de base. Plusieurs gouvernements d’États se sont servis du prétexte de la pandémie pour augmenter le temps de travail quotidien de 8 à 12 heures par jour et suspendre la loi sur le salaire minimum, détruisant ainsi les moyens de subsistance de millions de travailleurs et travailleuses pauvres qui luttent maintenant contre la faim.

Les inégalités ne sont pas inévitables, elles résultent de choix politiques.

S’attaquer aux inégalités économiques et en matière de santé devrait être une part essentielle de la réponse des gouvernements à la Covid-19. Les inégalités ne sont pas une fatalité, elles sont le résultat de choix politiques.

Les gouvernements doivent adopter des politiques fortes, telles que la gratuité des soins de santé publics, la mise en place de filets de sécurité pour les personnes qui ne peuvent pas travailler, des salaires décents et un système fiscal équitable.

Ils doivent tirer les leçons de cette pandémie et saisir cette occasion pour construire des sociétés plus justes et plus résilientes, ainsi qu’un meilleur avenir pour toutes et tous.