Traité sur le commerce des armes : à la veille des négociations finales, les ONG demandent un texte fort

Publié: 12th mars 2013

Le projet de traité sur le commerce des armes est truffé de failles et doit être amendé de toute urgence pour sauver des vies.

Selon Oxfam et Saferworld, membres de la coalition Contrôlez les armes, plus de 325 000 personnes ont perdu la vie du fait de la violence armée depuis que les négociations pour un traité de régulation du commerce mondial des armes ont connu un coup d’arrêt en juillet dernier.

La coalition Contrôlez les armes demande aux dirigeants mondiaux d’adopter de toute urgence des règles robustes sur les transferts internationaux d’armes et de munitions, alors que les conflits continuent de détruire des vies dans le monde entier. Le fait que des vies continuent d’être brisées souligne le besoin urgent qu’un traité sur le commerce des armes fort soit adopté durant deux semaines de négociations diplomatiques intenses, qui commenceront dans l’enceinte des Nations Unies, à New York, lundi 18 mars.

Dans un nouveau rapport, intitulé « Les armes à l’œil : comment aboutir à un traité sur le commerce des armes efficace », Oxfam et Saferworld détaillent les failles majeures du projet actuel de traité sur le commerce des armes (TCA), et établissent leurs recommandations sur la façon dont les diplomates qui participeront aux négociations pourront les combler. Les lacunes du projet de texte signifient que les transferts qui résultent des accords de défense existants entre la Russie et la Syrie, par exemple, ne seraient pas couverts par le traité.

Les pièces manquantes du puzzle

Selon Anna Macdonald, responsable du contrôle des armes à Oxfam, « plus d’une personne meurt chaque minute du fait de la violence armée. Trop de sang a été versé à cause du manque de régulation du commerce des armes et des munitions. L’histoire montre que les traités forts créent des normes internationales élevées et suscitent des changements dans la façon dont les Etats, même non signataires, se comportent. Les diplomates doivent rajouter les pièces manquantes au projet de texte et s’assurer qu’ils se mettent d’accord sur un traité réellement efficace.

« Cela fait des années que nous luttons pour un accord international sur le commerce international des armes. Le temps est désormais venu de conclure. Un traité permettant de contrôler le commerce des armes est nécessaire mais nous avons besoin d’un texte musclé. Il est temps pour les pays de défendre un traité qui fera une vraie différence. »

Dans ce nouveau rapport, les membres de la coalition Contrôlez les armes soulignent les lacunes de l’actuel projet de texte. En l’état actuel, celui-ci pourrait permettre aux responsables de violations des droits de l’Homme de continuer à s’approvisionner en armes et à commettre des crimes de masse, dont des génocides.

« Sans munition, les fusils sont réduits au silence »

Une faiblesse majeure du projet actuel de texte est que la vente de munitions et de pièces détachées n’est que partiellement couverte. L’industrie mondiale des munitions destinées aux armes légères est d’une valeur de 4,3 milliards de dollars, et produit 12 milliards de balles par an. Le rapport appelle à exercer un contrôle strict sur les transferts de ces matériels.

Selon Roy Isbister, responsable du contrôle des transferts d’armes pour Saferworld, « Les munitions alimentent les conflits. Sans munition, les fusils sont réduits au silence. »

L’absence de contrôle strict du commerce des munitions est susceptible de devenir un facteur de dissension majeur pendant les négociations. Les Etats-Unis ont exprimé leur opposition à l’inclusion des munitions dans le champ d’application du traité. Néanmoins, d’autres pays, dont de nombreux Etats africains, considèrent qu’un traité qui ne régule pas le commerce des munitions n’aura aucune valeur.

Les ONG ont déclaré que le seuil de risque défini par le traité pour empêcher des violations des droits de l’Homme et du droit humanitaire avant d’approuver un transfert d’arme est juridiquement ambigu. L’ébauche du traité définit un seuil de « risque prépondérant » que les pays pourraient contourner en utilisant l’argument de la sécurité nationale ou la protection d’autres intérêts. Ils pourraient ainsi transférer des armes qui serviraient à commettre de graves violations des droits humains. Les ONG sont convaincues que cette faille sera utilisée afin de justifier les transferts d’armes à des seigneurs de guerre et autres auteurs de violations des droits de l’Homme.

Accords de défense, prêts, dons et aide militaire

Il est également préoccupant de constater que dans sa dernière version, le traité autoriserait les Etats à considérer des transferts effectués sous couvert d’accord de défense (comme les accords de coopération de défense) comme légaux. Cela signifierait par exemple que les transferts d’armes entre la Russie et la Syrie effectués dans le cadre d’accords de défense pourraient être considérés conformes au traité malgré le risque que ces armes soient utilisées pour commettre des violations des droits de l’Homme.

Une autre faille mise en avant par le rapport est que l’actuel texte du traité n’encadre que la vente d’armes mais pas les prêts, les dons et l’aide militaire. Des pays comme l’Inde sont opposés à l’amendement d’une telle clause.

Selon Roy Isbister, de Saferworld : « Un traité fort sur le commerce des armes pourrait changer la vie de millions de personnes innocentes dans le monde. Mais les failles du projet actuel de texte pourraient au contraire faire empirer la situation, en donnant un cadre légal à de dangereuses pratiques. Les pays ne peuvent se contenter d’un traité qui ne permet pas de protéger les vies et moyens de subsistance, mais doivent au contraire consacrer tous leurs efforts à la production d’un traité fort et ambitieux. »

Il est temps pour les pays de défendre un traité qui fera une vraie différence.
Anna Macdonald
Responsable du contrôle des armes à Oxfam

Notes aux rédactions

Dans son rapport de 2011 « Le fardeau mondial de la violence armée », le secrétariat de la Déclaration de Genève sur la violence armée conclut que 526 000 personnes par an ont été tuées entre 2004 et 2009. Par jour, cela représente 1 440 victimes, soit une par minute. Multiplié par les 226 jours qui se sont écoulés entre le 29 juillet 2012 (fin des précédentes négociations) et le 11 mars 2013, cela représente 325 440 victimes.

Contact

Les spécialistes du contrôle des armes d’Oxfam et Saferworld seront à New York pour la durée des négociations, du 18 au 28 mars 2013. Pour suivre l’avancée des négociations ou pour organiser une entrevue, merci de contacter les personnes suivantes :

  • Louis Belanger (Oxfam), Etats-unis : +1 (917) 224 0834 
  • Zahra Akkerhuys (Oxfam), Royaume-Uni : +44 1865 472498 ou +44 7525 901932
  • Elizabeth Bourne (Saferworld), Royaume-Uni : on +44 207 324 4646

En savoir plus

Télécharger le rapport « Les armes à l’œil : comment aboutir à un traité sur le commerce des armes efficace »

Pour un traité sur le commerce des armes solide et efficace