Selon la coalition internationale Contrôlez les armes, les négociations diplomatiques majeures visant à réguler le commerce des armes et des munitions sont menacées du fait de l’insistance d’Etats membres à donner à chaque Etat un droit de veto sur le futur traité.
Les discussions sur le traité sur le commerce des armes, qui ont commencé en 2006, se sont terminées de façon abrupte lors du dernier jour des négociations de juillet, après que le gouvernement américain a demandé « plus de temps » pour conclure un accord. Depuis lors, différents pays ont examiné la manière dont les négociations pouvaient être relancées, et ont notamment discuté des règles qui devront s’appliquer à la prochaine conférence diplomatique. Le Royaume-Uni, l’Australie, le Japon, le Kenya, le Costa Rica, la Finlande et l’Argentine ont proposé une résolution qui maintient le droit de chaque Etat membre de l’ONU à exercer un droit de veto lors de la conférence, qui se réunira de nouveau l’année prochaine.
Selon la coalition Contrôlez les armes, les Etats membres de l’ONU doivent se réunir l’année prochaine, mais cette fois-ci en respectant les règles de procédure de l’Assemblée générale de l’ONU, et non pas la règle du soi-disant consensus selon laquelle chaque Etat doit donner son accord au traité. Si la conférence se déroulait selon les règles et procédures standard de l’ONU, un recours au vote à la majorité serait possible si l’on ne parvenait pas à un accord au consensus.
« En insistant pour que la règle du consensus soit adoptée, les gouvernements réduisent les chances de succès des négociations avant même qu’elles ne commencent. Nous avons pu constater les conséquences de cette règle en juillet lorsque les Etats-Unis, suivis par un petit nombre de pays, ont empêché la conclusion d’un accord alors qu’une majorité d’Etats désiraient un traité fort, a déclaré Hector Guerra, coordinateur de Réseau d’action internationale sur les armes légères. La prochaine conférence ne doit pas être prise en otage par un seul pays. L’adoption du premier traité international visant à contrôler les flux d’armes et de munitions est trop importante pour laisser cela se produire. »
Les négociations du mois de juillet dernier ont abouti à l’élaboration d’un projet de texte qui servira très certainement de base pour la conférence diplomatique de 2013. Ce texte constitue une base solide pour relancer les négociations, mais il présente plusieurs défauts majeurs qui devront impérativement être corrigés pour que le traité soit efficace.
Les lacunes et enjeux importants identifiés par la société civile sont les suivants :
- Le champ d’application du projet de traité est trop étroit : ce projet de traité ne concerne que les armes relevant des sept catégories d’armes classiques offensives majeures couvertes par le registre des Nations Unies des armes conventionnelles, ainsi que les armes légères et de petit calibre. Cela signifie que de nombreuses sortes d’armes conventionnelles (y compris les véhicules blindés de transport de troupes et les hélicoptères) ne sont pas contrôlées. Les munitions, les pièces et les composants, malgré leur importance décisive, sont également absents de la partie du traité portant sur le champ d’application, et sont donc exempts des évaluations exhaustives des risques, des obligations d’enregistrement et d’établissement de rapports.
- Le seuil de l’évaluation des risques de violations des droits de l’Homme et du droit humanitaire n’est pas clairement défini : le projet de traité définit un seuil de risque « prépondérant » (overriding). Les Etats pourraient par conséquent interpréter le texte en ne refusant des transferts que dans des circonstances extrêmes et exceptionnelles.
- Les exemptions pour les « accords de coopération en matière de défense » permettraient à d’importants accords de défense d’échapper au traité : cette lacune pourrait permettre aux Etats de classer toutes leurs opérations de commerce d’armes dans la catégorie « accords de coopération en matière de défense », contournant ainsi les obligations du traité.
- Les obligations liées à l’établissement de rapports n’auront qu’un faible impact sur la transparence du commerce international des armes : le projet de traité ne comprend pas de disposition explicite sur la publicité des rapports, et exempt les Etats d’établir des rapports sur leurs transferts de munitions, de pièces et de composants. Les exemptions justifiées par la « sécurité nationale » et la « sensibilité » des questions commerciales risquent de permettre aux Etats de retenir des informations essentielles, même vis-à-vis du Secrétariat et des autres Etats parties.
- Le seuil d’entrée en vigueur fixé à 65 ratifications est trop élevé : cela signifie que l’entrée en vigueur du traité pourrait avoir lieu dans de nombreuses années. Un seuil de ratification par 30 Etats est une norme utilisée pour d’autres instruments et serait plus adapté au TCA.
« Les exportateurs majeurs doivent se retrousser les manches pour être à la hauteur des enjeux et régler ces problèmes et assurer que le futur traité sur le commerce des armes établisse des règles les plus fortes possible pour le commerce international des armes », a déclaré Jeff Abramson, directeur du secrétariat de la coalition Contrôlez les armes.
« Chaque minute, une personne meure à cause de la violence armée, et des milliers d’autres sont blessées et subissent des exactions. L’impact du commerce des munitions, qui atteint une valeur de 4 milliards de dollars par an, pèse avant tout sur les plus pauvres, en particulier sur ceux qui vivent dans des régions en conflits et dans des Etats fragiles. Si les Etats ne changent pas d’approche et n’adoptent pas ce traité de toute urgence, ce processus diplomatique risque de recommencer éternellement », a déclaré Anna Macdonald, responsable des questions liées au contrôle des armes pour Oxfam.
Notes aux rédactions
Contrôlez les armes est une alliance mondiale de la société civile qui milite pour un traité sur le commerce des armes juridiquement contraignant capable d’obliger les Etats à mettre fin aux transferts d’armes et de munitions qui alimentent les conflits, la pauvreté et les graves atteintes aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire.
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Questions / Réponses : Pourquoi avons-nous besoin d'un traité sur le commerce des armes ?
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