Le manque de protection des civils à l’est de la République démocratique du Congo
Chaque année, Oxfam entreprend une enquête d’envergure auprès de populations touchées par le conflit à l’est de la République démocratique du Congo dont les voix sont trop peu entendues. Trois-quarts des 1 705 personnes interviewées ont le sentiment que leur sécurité ne s’est pas améliorée depuis l’année passée. Dans les zones affectées par l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), ce sont 90 % des personnes interrogées par Oxfam qui partagent cette impression; un fort sentiment d’abandon, d’isolement et de vulnérabilité ressort des témoignages recueillis. Partout, les communautés participantes ont brossé un portrait sombre d’abus de pouvoir persistants de la part de milices, militaires et d’autres autorités gouvernementales, mettant sous pression insoutenable leurs moyens d’existence et leurs capacités de survie.
Principales recommandations
Au gouvernement de la RDC et aux gouvernements bailleurs de fonds internationaux :
- Les efforts nationaux et internationaux pour mettre en oeuvre les projets du gouvernement de la RDC en matière de réforme du secteur de sécurité devraient accorder la priorité aux mesures identifiées par les populations civiles comme favorisant le plus directement un renforcement de leur sécurité, à savoir : la solde, l’aide sociale, le casernement et l’appui logistique ; la discipline et la justice ; et la formation aux droits de l’Homme.
- Les autorités civiles et militaires doivent agir de façon prioritaire pour traiter les extorsions et exactions commises par les FARDC et la PNC, en commençant par supprimer les barrières qui ne servent pas une fonction sécuritaire spécifique et mettre fin aux rançonnements aux "barrières illégales" qui sont maintenues. De telles mesures pourraient produire une amélioration immédiate de la protection des civils.
- Les autorités militaires congolaises devraient donner des directives claires à toutes les forces pour faire respecter le statut de tous les non combattants, surtout mineurs, et en suivre la mise en oeuvre, avec l’appui de la Monusco, afin d’éviter que les civils soient la cible d’exactions sous prétexte qu’ils "collaborent" avec les différentes milices.
- La politique de "tolérance zéro" des FARDC en matière de violations des droits de l’Homme doit être mise en pratique pour contrer l’impunité. Cette politique veillerait à ce que tout membre du personnel des FARDC qui abuserait de son autorité, enfreindrait les codes de conduite ou manquerait par ailleurs à ses obligations soit soumis à une enquête transparente ainsi qu’aux mesures disciplinaires et/ou pénales qui s’imposent. Le système de sélection des miliciens candidats à l’intégration aux FARDC, demandé depuis longue date, doit également être mis en place.
- Le gouvernement congolais et ses partenaires internationaux devraient renforcer le déploiement efficace, à grande échelle et avec les contrôles adéquats d’une police militaire et l’appui aux poursuites judiciaires. Un suivi soutenu de la conduite des FARDC par la Monusco reste essentiel, conformément au mandat de protection de celle-ci, mais pour que la justice militaire s’installe de façon pérenne il faudra que le gouvernement congolais et ses partenaires internationaux renforcent le déploiement efficace, à grande échelle et avec les contrôles adéquats d’une police militaire et l’appui aux poursuites judiciaires.
- Le gouvernement congolais et ses partenaires internationaux devraient appuyer les ministères compétents pour mettre en place une série de consultations et de débats au niveau du Nord Kivu, pour discuter du régime foncier actuel avec les communautés locales et les propriétaires terriens. Partant du niveau provincial, ces forums pourraient aller jusqu’à l’Assemblée nationale pour servir de base à une réforme du système foncier.
Aux bailleurs de fonds internationaux :
- Les bailleurs de fonds internationaux devraient baser leurs interventions sur une analyse détaillée du contexte et des conflits, afin de répondre aux problèmes fonciers et des moyens d’existence à l’est de la RDC de manière à promouvoir la durabilité et limiter le risque de conflits.
- Les bailleurs de fonds internationaux, avec le gouvernement congolais, doivent agir de façon prioritaire pour pallier aux contraintes structurelles des zones affectées par la LRA, par exemple par un appui à l’expansion des télécommunications et du réseau routier, dans le but de réduire la vulnérabilité des communautés menacées par cette milice.